Des voix se sont élevées hier pour dénoncer le projet de loi C-59, qui tente d'abolir les libérations conditionnelles au sixième de la peine. Trop peu, trop tard? Au même moment, le Bloc québécois et le Parti conservateur ont uni leurs forces pour lui permettre de passer l'étape importante de l'adoption par la Chambre des communes.

Le Parti libéral et le Barreau du Québec ont choisi la journée d'hier pour prendre position contre C-59, qui a néanmoins été envoyé au Sénat en fin de journée, où il devrait là aussi être étudié de manière expéditive. Selon le PLC, il rate la cible, tandis que le Barreau croit qu'il ouvre la porte à des contestations constitutionnelles.

C-59 est ce projet placé sur la voie rapide du processus législatif à Ottawa, en réaction à la libération conditionnelle du fraudeur Vincent Lacroix après avoir purgé seulement deux années d'une peine de prison de douze ans. L'ancien PDG de Norbourg a bénéficié d'une mesure adoptée dans les années 90 et qui permet à des criminels non violents, et dont c'est la première condamnation à une peine de prison de plus de deux ans, d'être ainsi libérés de manière expéditive. M. Lacroix est aujourd'hui en maison de transition.

Le cas Vincent Lacroix

Le Bloc québécois tente depuis plusieurs années d'abolir cette mesure. Il a finalement trouvé un argument de poids lors de la libération conditionnelle de M. Lacroix, faisant valoir au gouvernement que, s'il ne bougeait pas, il serait également responsable de la sortie d'un autre fraudeur québécois important: Earl Jones.

Le NPD s'est opposé depuis le départ à cette idée d'adopter de tels amendements sans les étudier suffisamment au Parlement. Hier encore, le chef adjoint du parti, Thomas Mulcair, a qualifié cette façon de faire de néfaste et de populiste.

Le Parti libéral a décidé de se joindre à eux au terme de son caucus, hier midi, et de voter contre.

«C'est un mauvais projet de loi, négocié en coulisse par la coalition bloquiste-conservatrice, qui va trop loin, coûte beaucoup trop cher et vise un trop grand nombre de petits contrevenants», a déclaré le chef libéral, Michael Ignatieff.

Les amendements proposés par le Parti libéral et le NPD, qui auraient par exemple limité l'application de C-59 aux fraudes de plus de 100 000$, ont tous été défaits.

Le bâtonnier du Québec, Gilles Ouimet, a quant à lui écrit mardi une lettre au ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, dans laquelle il a indiqué qu'une étude plus approfondie du projet aurait été préférable. Selon lui, la rétroactivité des mesures aux personnes qui ont déjà reçu leur sentence pourrait poser problème. «Modifier les règles du jeu après que les personnes concernées aient pris des décisions et fait des choix constitue une source d'injustice et ouvre la porte à des contestations constitutionnelles», a-t-il écrit.

Le ministre Toews a répliqué qu'il s'agissait là d'un discours typique d'avocat de la défense. «Ils se trompent, a pour sa part tranché Gilles Duceppe. On ne parle pas de la détermination de la peine mais de l'application de la peine.»