Même si la question ne s'est pas posée depuis plus de deux ans au pays, un député conservateur du Québec veut clarifier la loi afin que les électeurs canadiens soient obligés de voter à visage découvert.

Mais Steven Blaney, qui a déposé sa proposition aux Communes vendredi, s'est bien gardé de parler de voile religieux. Le député de Lévis-Bellechasse a plutôt cité les cas de masques d'halloween, de masques de ski ou de cagoules portés par une poignée d'électeurs dans les scrutins passés.

En point de presse pour présenter sa proposition, M. Blaney a soutenu qu'il s'agissait de s'assurer que le processus électoral soit fait de façon transparente.

«C'est une mesure qui vise à renforcer la crédibilité du processus électoral et à améliorer la confiance de notre population envers le système électoral», a-t-il défendu.

Confronté au fait que les Canadiens peuvent aussi voter par la poste - auquel cas ils ne doivent se présenter devant personne -, M. Blaney a simplement rétorqué qu'il s'agissait d'un processus différent.

Les électeurs qui préfèrent garder leur visage couvert pourraient cependant simplement décider de voter de cette façon, même si le projet de loi du conservateur était éventuellement adopté.

Au dernier scrutin général, en octobre 2008, quelque 253 000 personnes ont voté par la poste, selon les statistiques d'Élections Canada.

Mais aucun électeur nulle part au pays n'a voté à visage couvert depuis les élections partielles de septembre 2007. Lors de ce scrutin dans trois circonscriptions québécoises - en pleine saga de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables -, 70 personnes avaient voulu voter le visage couvert.

En vertu des règles d'Élections Canada, ces individus peuvent se découvrir en privé, devant un fonctionnaire, ou prêter serment. À l'automne 2007, seuls trois électeurs avaient refusé l'une ou l'autre de ces options et avaient choisi de renoncer à leur droit de vote.

Et depuis, aucun incident n'a été rapporté, selon l'organisme électoral indépendant.

L'opposition y voit la preuve que le débat remis à l'avant-scène par le député conservateur n'a pas lieu d'être.

Libéraux et néo-démocrates ont accusé M. Blaney de vouloir diviser le pays sur une question qui ne se pose pas.

«Je vois M. Blaney et le gouvernement conservateur essayant de créer un problème où franchement il n'y a pas de problème», a estimé la libérale Martha Hall Findlay.

«C'est une opportunité qui est prise par les conservateurs de faire un point politique avec une situation où vraiment ce n'est pas nécessaire», a pour sa part accusé le néo-démocrate Joe Comartin, tandis que son collègue Paul Dewar a qualifié la manoeuvre de «jeu politique».

Les conservateurs ont présenté des propositions semblables à celle de M. Blaney dans le passé, mais elles ont été abandonnées en cours d'étude.

Le député québécois a toutefois certifié qu'il avait lui-même pris l'initiative de présenter sa proposition, qui prévoit une mesure d'exception pour des raisons médicales.

Les bloquistes, de leur côté, croient eux aussi que le vote doit se faire à visage découvert. S'ils ont eux-mêmes proposé un projet de loi en ce sens il y a quelques années, ils étaient en désaccord avec les conservateurs quant aux accommodements à accorder aux électeurs. Le Bloc québécois refuse que les personnes à visage couvert puissent exiger de se découvrir devant un individu du même sexe.

«Pour nous, c'est des accommodements qui ne sont pas acceptables», a tranché le leader parlementaire du Bloc, Pierre Paquette.

Ce n'est pas la première fois que le débat sur les accommodements raisonnables, qui avait mobilisé le Québec il y a quelques années, fait son chemin jusqu'à Ottawa.

Au lendemain d'un incident à Québec à la mi-janvier, où des membres de la communauté sikhe n'avaient pu entrer à l'Assemblée nationale avec leur kirpan, le Bloc québécois avait fait savoir qu'il souhaitait aussi faire interdire le port du poignard rituel au parlement canadien.