Le débat sur le kirpan s'est transporté à Ottawa, mercredi, où le Bloc québécois a proposé de faire comme à l'Assemblée nationale et de bannir le port du couteau religieux au Parlement fédéral.

Mais la proposition a été dénoncée par plusieurs, dont Navdeep Bains, député libéral de religion sikhe qui le porte à la Chambre des communes depuis son élection, il y a presque sept ans.

«Je ne sais même pas quel est le problème, a-t-il dit. Je porte un kirpan à la Chambre des communes depuis 2004. Je suis allé à la Cour suprême, au Congrès des États-Unis... Ça n'a jamais été un problème.»

Selon lui, les partis souverainistes à Ottawa comme à Québec jouent sur les peurs des électeurs et font de la politique de division. «Je suis très déçu», a lancé le député de la grande région de Toronto.

Le débat a été lancé mardi par le refus des gardiens de sécurité de l'Assemblée nationale, à Québec, de laisser entrer des membres du World Sikh Organization avec leur couteau cérémonial. Le groupe de quatre personnes venait témoigner dans le cadre de l'étude du projet de loi sur les demandes d'accommodements dans l'administration publique.

Le gouvernement Charest s'est contenté de prendre acte de la décision, tandis que le Parti québécois l'a applaudie.

Mercredi à Ottawa, le Bloc a repris la balle au bond. «On pense que la règle à l'Assemblée nationale est fondée et qu'il serait important de se doter de règles similaires au Parlement, ce qui n'est pas le cas pour l'instant», a expliqué la députée bloquiste Claude DeBellefeuille.

Mme DeBellefeuille a précisé que sa position reposait sur des considérations d'ordre strictement sécuritaire, désignant le kirpan comme une «arme blanche». Elle souhaite faire inscrire la question à l'ordre du jour, lors de la réunion du comité de la régie interne de la Chambre des communes, à la fin du mois.

Minces chances de réussite

Mais, vu l'intérêt des autres partis, il se pourrait que l'initiative fasse long feu. Au NPD, le député Yvon Godin a déclaré qu'il s'agissait d'une question qui relevait du sergent d'armes, chargé de la sécurité au Parlement. Quant au fait qu'au moins un de ses collègues porte un kirpan à la Chambre des communes, «je n'ai pas de problème avec ça, moi», a-t-il réagi.

«Je suis satisfait de la sécurité au Parlement. Je trouve qu'ils font une bonne job», a ajouté M. Godin.

Un autre député libéral, l'ancien premier ministre de la Colombie-Britannique Ujjal Dosanjh, est allé jusqu'à inviter l'Assemblée nationale à revoir sa position. M. Dosanjh a expliqué qu'il y a plusieurs années, la législature de sa province avait décidé de faire ce qu'il a désigné comme un «accommodement raisonnable» et de permettre aux sikhs de porter leur kirpan en public, «à condition qu'il ne soit pas caché».

Chez les conservateurs, le bureau du premier ministre s'est refusé à tout commentaire et s'est contenté de renvoyer les questions au bureau du sergent d'armes.

Ce débat survient dans un contexte préélectoral à Ottawa et au lendemain du lancement d'une campagne publicitaire dans laquelle le Parti conservateur tente de séduire l'électorat francophone du Québec en se présentant comme le parti des régions.

Par ailleurs, les troupes de Stephen Harper tentent aussi de gagner la faveur des différents groupes ethniques au Canada, composante clé de leur stratégie électorale dans la grande région de Toronto.