Sitôt nommé, le nouveau ministre de l'Environnement soulève les foudres des environnementalistes et des partis de l'opposition, qui craignent le retour à la ligne dure, notamment dans le dossier des sables bitumineux.

Dans une entrevue accordée au quotidien Calgary Herald, mercredi, Peter Kent, nouveau détenteur du portefeuille de l'Environnement, a affirmé que les sables bitumineux avaient été diabolisés à tort et qu'il s'agissait en réalité d'un «pétrole éthique».

«Il y a eu beaucoup de désinformation et de renseignements complètement erronés. C'est une ressource légitime qui a été diabolisée», expliquait alors le ministre Kent, dans l'une de ses toutes premières déclarations depuis sa nomination, mardi.

«C'est du pétrole éthique, c'est une production réglementée. Et c'est du pétrole dont l'approvisionnement est sûr, dans un monde où les sources de pétrole dans certains pays sont moins sûres», ajoutait-il dans son entrevue au quotidien albertain, faisant écho aux arguments du commentateur de droite Ezra Levant, qui a publié en septembre dernier un livre intitulé Ethical Oil, défendant l'industrie canadienne des sables bitumineux.

«Une catastrophe»

«C'est une catastrophe d'avoir un ministre dans un dossier aussi important, en train de dire de telles sottises. C'est scandaleux», rétorque le leader adjoint du NPD, Thomas Mulcair.

«Est-ce que la manière d'exploiter les sables bitumineux est éthique? La réponse, c'est non. Il n'y a aucune moralité à laisser aux générations futures le soin de nettoyer notre dégât, estime M. Mulcair. Les problèmes, qui sont en train d'être causés par la manière d'exploiter les sables bitumineux, sont l'antithèse du développement durable, au niveau environnemental, économique et social.»

Pour le critique du Bloc québécois en environnement, Bernard Bigras, la nomination de Peter Kent, qui semble, après ces premières déclarations, servir de «faire-valoir» de M. Harper pour ses politiques environnementales, constitue «un recul» par rapport à Jim Prentice, qui a quitté précipitamment la politique au début du mois de novembre.

Même s'il critiquait ouvertement l'ancien ministre de l'Environnement, M. Bigras juge que M. Prentice «tentait, au moins à l'intérieur du cabinet, de faire avancer la question des changements climatiques».

«On a l'impression que ce remaniement ministériel visait à ramener la ligne dure au sein du gouvernement en matière d'environnement», souligne M. Bigras.

Même son de cloche pour M. Mulcair, qui considère le nouveau ministre comme un «junior» qui n'aura pas beaucoup de liberté d'action dans ce gouvernement, à la veille d'une éventuelle campagne électorale durant laquelle les conservateurs tenteront de plaire à leur base.

«Il n'y a aucun danger pour que Peter Kent se pose quelque question que ce soit, il va tout simplement lire les lignes qui lui sont écrites par le bureau du premier ministre», conclut le député néo-démocrate.

Plus nuancé, le critique en matière de ressources naturelles du Parti libéral, Denis Coderre, estime que le pétrole issu des sables bitumineux est une «ressource stratégique» pour le Canada, mais ne va pas jusqu'à qualifier la production d'«éthique».

Le Canada ne suivra pas la nouvelle réglementation

«C'est regrettable d'essayer de créer un débat d'étiquette, plutôt que de vraiment protéger et la ressource, et l'environnement, soutient M. Coderre, qui continue de reprocher au gouvernement l'absence de plan pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). On peut faire un débat qui permette de s'assurer que cette ressource stratégique puisse être utilisée à bon escient et pas à n'importe quel prix.»

Pour les environnementalistes, la déclaration du ministre Kent n'est pas surprenante. «On a un nouveau ministre des sables bitumineux, un autre, parce qu'on n'a plus vraiment au Canada de ministre de l'Environnement depuis longtemps, déplore Steven Guilbeault, d'Équiterre. On a des ministres qui sont là pour défendre les intérêts économiques et défendre certains des plus grands pollueurs, comme les sables bitumineux.» Il n'existe toujours pas, au Canada, de réglementation pour limiter les émissions de GES dans cette industrie, ajoute-t-il.

Simon Dyer, de l'Institut Pembina, rappelle quant à lui que trois récents rapports, dont un provenant d'un comité d'experts mis sur pied par l'ex-ministre Prentice, ont tous indiqué qu'il y avait d'importantes lacunes dans la gestion de la production des sables bitumineux.

«Si le gouvernement veut démontrer son sérieux, il faut qu'il s'attaque aux problèmes, plutôt que de lancer une campagne de relations publiques qui ne marchera pas. C'est une perte d'argent», conclut M. Dyer.

Par ailleurs, sur les ondes de CBC, hier soir, le ministre Kent a laissé entendre que le Canada ne suivrait pas la nouvelle réglementation américaine sur la limitation des émissions des nouvelles constructions industrielles, puisque la situation des deux pays «est trop différente». Le gouvernement conservateur martèle depuis des mois qu'il doit harmoniser ses politiques avec son voisin du Sud, pour des raisons économiques.