Le gouvernement canadien a fait savoir vendredi que le chargé d'affaires du Bélarus au Canada sera rencontré pour demander la libération immédiate de tous les manifestants, y compris les leaders de l'opposition, qui ont été arrêtés dans la foulée de la dernière élection présidentielle.

Dans un communiqué émis vendredi après-midi, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a déclaré que le Canada déplore la détention arbitraire et continue des dirigeants de l'opposition au Bélarus.

Le Canada, a-t-il ajouté, demande leur libération immédiate ainsi que celle des manifestants qui ont été arrêtés, détenus et condamnés sans motifs valables.

M. Cannon dit avoir demandé aux hauts fonctionnaires du ministère de convoquer le chargé d'affaires du Bélarus au Canada afin de lui transmettre cette demande et de lui faire part de la profonde déception du Canada face au comportement du gouvernement du Bélarus.

Plus tôt pendant la journée, la Commission électorale centrale du Bélarus avait officiellement proclamé le président Alexandre Loukachenko vainqueur de la présidentielle, avec 79,6 pour cent du vote; son rival le plus sérieux, Andreï Sannikov, n'a récolté que 2,4 pour cent des voix.

Les représentants de l'opposition, qui ont assisté au dévoilement des résultats, les ont rejetés d'emblée. Le représentant de M. Sannikov, Iouri Khadiko, a demandé à l'agence électorale d'invalider le vote pour cause de fraude et d'organiser une nouvelle élection. La commission n'a pas tenu compte de sa demande.

Des observateurs internationaux et des gouvernements occidentaux ont accusé M. Loukachenko d'avoir eu recours à la fraude et à la violence pour se maintenir au pouvoir.

«Un système monstrueux de fraude a été mis sur pied dans ce pays, et vous en êtes tous complices», a lancé aux membres de la commission Ales Lagvinets, le représentant d'un autre candidat de l'opposition, Grigori Kostusev.

Sept des neuf candidats qui se sont présentés contre M. Loukachenko ont été arrêtés par la police après le vote, dont certains quand des policiers armés de matraques ont entrepris de disperser les 10 000 personnes qui s'étaient rassemblées au centre-ville de Minsk pour dénoncer le déroulement du vote.

M. Sannikov compte parmi ceux qui ont été arrêtés. Lui et sa femme, une journaliste bien en vue, ont ensuite été jetés en prison. Les autorités ont aussi voulu placer leur fils de trois ans dans un orphelinat, mais sa grand-mère a pris la fuite avec l'enfant, selon ce qu'a révélé vendredi l'organisme de défense des droits de la personne Vyasna.

En fin de journée vendredi, une douzaine de personnes se sont rassemblées pour allumer des cierges et chanter des airs de Noël devant la prison du centre de Minsk où sont détenus la plupart des opposants. Les manifestants ont été arrêtés et emmenés quelques minutes plus tard par la police.

La femme du candidat Vladimir Nekliaïev, qui a été passé à tabac lors de la démonstration de dimanche dernier, a répété vendredi que les autorités lui interdisent toujours tout contact avec son mari incarcéré, dans l'espoir de camoufler l'importance de ses blessures. «Ça illustre le manque de respect envers les lois d'un régime qui a peur de nous montrer l'état horrible dans lequel se trouve mon mari», a-t-elle dit.

Dans son communiqué, le ministre Cannon se dit d'ailleurs «très préoccupé par la sécurité et le bien-être des dirigeants de l'opposition, en particulier en ce qui concerne M. Vladimir Nekliaïev, dont nous ignorons l'état actuel».

Le ministre Cannon a ajouté que «nous sommes témoins d'une régression au Bélarus. (...)  Le Canada est vivement préoccupé par le fait qu'un régime répressif détienne encore le pouvoir au Bélarus. Les Bélarussiens méritent de pouvoir faire entendre leur voix sans crainte de représailles. »

M. Loukachenko dirige le Bélarus avec une main de fer depuis 1994. Il ne tolère aucun média indépendant et 80 pour cent de l'économie est contrôlée par le gouvernement, en vertu d'un système qui ressemble à l'ancien régime soviétique.