La campagne qu'a menée le gouvernement Harper à l'étranger afin d'obtenir l'un des deux sièges non permanents au Conseil de sécurité de l'ONU a coûté environ 1,5 million de dollars aux contribuables.

Une bonne partie de cette somme - 1,2 million - a servi à payer les déplacements du ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, du secrétaire d'État responsable des Amériques, Peter Kent, et des employés de la diplomatie canadienne dans plusieurs pays entre janvier 2009 et octobre dernier, a appris La Presse.

Le reste a été utilisé pour l'impression de documents (11 288 $), pour organiser des soirées mondaines (212 406 $) ou encore pour divers achats (46 237 $) comme des bouteilles de sirop d'érable qui ont été remises aux ambassadeurs des divers pays à l'ONU le jour du vote à New York, à la mi-octobre, selon des documents obtenus grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Ces dépenses n'ont toutefois pas permis au Canada de remporter le siège qu'il convoitait au Conseil de sécurité de l'ONU. Il s'est fait damer le pion par l'Allemagne et le Portugal, un revers diplomatique sans précédent.

Melissa Lantsman, porte-parole du ministre Lawrence Cannon, a affirmé que le gouvernement Harper avait mené une campagne «de principe» et que les dépenses étaient raisonnables.

Elle a aussi expliqué que les ambassades canadiennes à l'étranger avaient été mises à contribution en 2009 en réduisant leur budget de dépenses discrétionnaires pour dégager des sommes visant à financer la campagne canadienne.

«Notre gouvernement établit sa politique étrangère en fonction de ce qui est approprié, non pas en fonction de ce qui est populaire. En ce qui a trait à nos dépenses, le Ministère applique une gestion rigoureuse des fonds publics», a affirmé Mme Lantsman.

Un siège par décennie

Depuis la création de l'ONU, le Canada a obtenu en moyenne tous les 10 ans un siège au Conseil de sécurité pour un mandat de 2 ans. La dernière fois remonte à 1998. L'échec de 2010 entraînera ainsi la plus longue absence du Canada au Conseil de sécurité. Les pays nouvellement élus entreprennent leur mandat de deux ans le 1er janvier 2011.

Le Conseil de sécurité compte 10 membres non permanents, qui n'ont pas droit de veto, contrairement aux 5 membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne).

Tout de suite après cet échec, à la mi-octobre, le ministre Lawrence Cannon avait blâmé le chef libéral, Michael Ignatieff, qui avait selon lui semé la division au pays en disant à voix haute douter que le gouvernement Harper méritât le siège qu'il convoitait en raison de sa politique étrangère. Selon M. Cannon, les propos de M. Ignatieff avaient empêché le Canada de projeter une «voix unie» auprès des délégués de l'ONU.

M. Ignatieff et les autres partis de l'opposition s'étaient moqués des affirmations de M. Cannon. À l'unisson, ils ont soutenu que c'est la politique du gouvernement Harper en matière d'environnement et son appui indéfectible à Israël dans le conflit au Proche-Orient, entre autres choses, qui ont miné la crédibilité du Canada dans le monde.

Pour le chef adjoint du Parti libéral, Ralph Goodale, les dépenses faites par le gouvernement Harper démontrent qu'il est entièrement responsable de son échec à l'ONU. «Ces dépenses démontrent que les conservateurs n'ont qu'eux seuls à blâmer pour leur défaite embarrassante au Conseil de sécurité. Ils ont tenté de blâmer M. Ignatieff, ensuite ils ont dit que c'était parce que le vote était secret et, enfin, ils ont minimisé l'importance de ce siège. Mais compte tenu de toutes ces dépenses, il semble bien qu'ils croyaient que le jeu en valait la chandelle. Le gouvernement devrait simplement admettre qu'il voulait le siège et qu'il a bêtement raté son coup», a dit M. Goodale.

Avant le vote secret, il appert que certains pays ont carrément largué le Canada. Par exemple, l'Inde a préféré appuyer le Portugal malgré les nombreuses rencontres diplomatiques que le Canada avait organisées dans les derniers mois, et en dépit de l'accord de coopération dans le nucléaire civil de même que des pourparlers pour conclure un accord de libre-échange. L'Inde s'est rangée derrière le Portugal parce que ce pays appuie son désir de devenir membre permanent du Conseil de sécurité. Le Canada, lui, voit d'un mauvais oeil l'élargissement du Conseil.

D'autres pays ont profité de l'occasion pour régler des comptes avec le Canada. Les Émirats arabes unis ont ouvertement fait campagne contre le Canada à cause de ses pratiques commerciales. Ils dénoncent le refus du Canada d'ouvrir davantage son espace aérien aux transporteurs Emirates et Etihad.

- Avec William Leclerc