Le premier ministre Stephen Harper a déposé un pot de grains au pied de la statue de bronze d'une jeune fille émaciée lors de sa visite en Ukraine, lundi. Le monument a été érigé à la mémoire des millions de personnes qui sont mortes affamées dans les années 1930, alors que le régime soviétique avait délibérément coupé les vivres aux habitants du pays d'Europe de l'est.

S'il est d'usage que les visites officielles des leaders mondiaux soient ponctuées de moments symboliques comme celui-ci, le geste posé par Stephen Harper en mémoire du génocide ukrainien témoigne clairement d'une volonté de faire passer à l'Ouest le gouvernement pro-russe du président Viktor Ianoukovitch.

Le premier ministre canadien a choisi de visiter ce lieu emblématique et d'autres endroits hautement significatifs lors de son passage en Ukraine afin de lancer un message au gouvernement ukrainien sur le délicat sujet du respect des droits de la personne.

Il s'agissait également d'un message aux quelque 1,2 million de citoyens canadiens de descendance ukrainienne à l'effet que le gouvernement conservateur avait à coeur les intérêts de la diaspora ukrainienne.

Le reporter d'un bimensuel ukraino-canadien a d'ailleurs eu droit à un accès privilégié à l'occasion de l'un des moments-clés de la visite de Stephen Harper.

«Près de 10 millions de personnes - un nombre qui ne sera jamais officialisé - ont été tuées par les plans ébauchés délibérément par leur propre gouvernement», a déclaré M. Harper lors d'une conférence de presse.

«J'espère que cela rappellera à tout jamais aux Ukrainiens l'importance de leur liberté, de la démocratie, de leur indépendance et de la nécessité de toujours défendre ces valeurs», a-t-il ajouté.

Le président Viktor Ianoukovitch a fait l'objet de critiques au sein de la communauté ukraino-canadienne et de la part de l'opposition de son propre pays. On l'accuse d'avoir fait reculer le pays après que celui-ci eut fait des gains importants grâce à la révolution orange de 2004.

Après avoir annulé sa candidature d'adhésion à l'OTAN, le président Ianoukovitch a accordé à la Russie la permission de renforcer une base navale située sur la côte ukrainienne, ce que Moscou a confirmé lundi.

De plus, les services policiers sont soupçonnés d'avoir intimidé des étudiants, des chercheurs et des historiens. Le gouvernement, pour sa part, est accusé de tenter de contrôler les médias.

À l'intérieur de la luxueuse salle de bal où Stephen Harper et Viktor Ianoukovitch ont tenu leur conférence de presse conjointe, les reporters ukrainiens étaient séparés en deux groupes - un premier, composé de journalistes favorables à M. Ianoukovitch triés sur le volet par la corporation journalistique de l'État, et un second composé de journalistes qui n'avaient aucune chance d'adresser une question aux chefs d'État. Ils étaient relégués au fond de la salle.

Viktor Ianoukovitch était tout sourire lorsqu'il a souhaité la bienvenue à Stephen Harper. Il s'est prononcé en faveur du développement croissant de la coopération entre les deux pays.

Le Canada et l'Ukraine sont actuellement en pourparlers en vue de conclure un accord de libre-échange. Déjà, ils ont signé une entente afin de favoriser la mobilité des étudiants, des travailleurs et des touristes entre les deux pays.

Le premier ministre Harper, qui est accompagné de trois députés conservateurs de descendance ukrainienne et de plusieurs représentants de groupes ukraino-canadiens, doit se rendre mardi dans le village de Lviv, situé dans la portion occidentale de l'Ukraine.

Il doit visiter un musée qui rappelle les souffrances vécues par les prisonniers politiques qui ont osé s'élever contre le régime soviétique.