Incompétence «spectaculaire», positions «rétrogrades», étroitesse d'esprit; le gouvernement conservateur de Stephen Harper n'a que lui-même à blâmer pour avoir échoué à obtenir un siège au Conseil de sécurité, estime l'opposition, qui voit là un retentissant revers asséné par la communauté internationale.

«C'est un gouvernement incompétent, idéologue, et qui a négligé certains dossiers. C'est raisonnable de penser qu'il a payé aujourd'hui les conséquences de son bilan en politique internationale», a dit le chef de l'opposition officielle, Michael Ignatieff, qui estime qu'il s'agit d'une «triste journée» dans l'histoire du Canada.

Le chef adjoint du NPD et lieutenant québécois de Jack Layton, Thomas Mulcair, considère cette défaite comme une «humiliation» pour le Canada, engagé dans l'ONU depuis 60 ans.

«Que ce soit au Moyen-Orient, dans le dossier de l'environnement ou en Afrique, les conservateurs ont complètement détruit la crédibilité du Canada à l'international, a déploré M. Mulcair. Mais c'était prévisible avec un tel manque de vision.»

«Le Canada dont on pouvait être si fier sur l'échiquier mondial est maintenant le reflet de l'étroitesse d'esprit des conservateurs.» Le gouvernement Harper est «en train de nous faire honte sur la scène mondiale», a-t-il déploré.

Selon Pierre Paquette, du Bloc québécois, le refus du Canada de signer la déclaration des droits des autochtones, son attitude à Copenhague dans le dossier des changements climatiques, sa proximité avec Israël et sa position sur l'avortement dans les pays en développement sont d'autres exemples de ce qui a contribué à «discréditer» le gouvernement conservateur aux yeux de nombreux pays membres de l'ONU.

«C'est extrêmement grave, extrêmement révélateur de la marginalisation du Canada à l'échelle internationale, a souligné M. Paquette. Le Canada a perdu l'influence qui a été la sienne après la Deuxième Guerre mondiale et jusqu'au début des années 80.»

Devant la presse, le directeur des communications de Stephen Harper, Dimitri Soudas, tout en affirmant que le Canada n'avait absolument rien à se reprocher, a peiné à expliquer le résultat du vote et a rejeté une grande partie du blâme sur le chef libéral, Michael Ignatieff.

«Le Canada n'a pas présenté une position unie», a critiqué M. Soudas.

«Ce n'est pas sérieux!» s'est contenté de rétorquer M. Ignatieff, rejetant d'un revers de main l'argument selon lequel les critiques qu'il a formulées à l'égard de la politique étrangère du Canada ont nui à sa candidature.

Pour les libéraux, les conservateurs doivent accepter la responsabilité de ce revers diplomatique sans précédent. «M. Harper doit reconnaître que sa politique de négligence, l'idéologie de droite et l'incompétence spectaculaire, c'était une recette pour une défaite, et c'est ce qu'on a vu», a souligné Bob Rae, critique libéral en matière d'affaires étrangères.

Selon Gerry Barr, président-directeur général du Conseil canadien pour la coopération internationale, c'est la politique du gouvernement Harper en matière d'aide internationale qui a le plus fait pâlir l'étoile du Canada à l'étranger.

«Alors qu'on jouit de l'une des plus fortes reprises économiques du Nord industrialisé, au moment où on tente d'atteindre les objectifs de développement du millénaire, le Canada gèle ses budgets d'aide internationale, a déploré M. Barr. Le message que ça envoie au monde entier, c'est que c'est correct de réduire, de geler ou de diminuer les ressources mises à la disposition des pays en développement.»

Spécialiste de la politique étrangère du Canada et chercheur à l'Université Concordia, Kyle Matthews estime que la situation est «embarrassante» et que les conséquences à moyen terme seront importantes pour le gouvernement.

«C'est choquant parce que le Canada ne sera pas là pour donner son avis sur des enjeux globaux très importants, comme par exemple le référendum du Soudan en 2011, avec le Sud qui veut se séparer, a conclu M. Matthews. Le Conseil de sécurité sera là, mais pas le Canada.»