Le gouvernement Harper essuiera un revers diplomatique sans précédent si le Canada n'obtient pas l'un des deux sièges temporaires du Conseil de sécurité de l'ONU à la mi-octobre, estime le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff.

Le Canada est engagé dans une rude bataille avec l'Allemagne, troisième contributeur à l'ONU, et le Portugal pour obtenir l'un des deux sièges non permanents qui sont vacants au Conseil de sécurité. L'Assemblée générale des Nations unies doit se prononcer par vote secret le 12 octobre.

Historiquement, le Canada, septième contributeur de l'organisation, a réussi à décrocher un siège au Conseil de sécurité pour un mandat de deux ans chaque décennie depuis la création de l'ONU. Si le Canada se fait damer le pion par l'Allemagne et le Portugal, dans deux semaines, il s'agira de la plus longue absence canadienne du Conseil de sécurité. La dernière fois que le Canada a obtenu un siège remonte à 1998-2000.

Le Conseil de sécurité compte 10 membres non permanents, qui n'ont pas le droit de veto, contrairement aux cinq membres permanents que sont les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne.

«Ce serait une dure défaite pour le pays si l'on n'obtient pas ce siège», a affirmé Michael Ignatieff dans une entrevue accordée à La Presse, soulignant que le Canada est un membre fondateur des Nations unies.

Campagne tous azimuts

L'Allemagne mène une campagne tous azimuts à New York qui devrait lui permettre d'obtenir un siège. Le Canada doit donc s'assurer d'obtenir suffisamment d'appuis pour supplanter le Portugal, ce qui n'est pas acquis, selon certains observateurs.

Le père du chef libéral, George Ignatieff, a été l'ambassadeur du Canada aux Nations unies de 1966 à 1969 et a même été président du Conseil de sécurité de 1968 à 1969 quand le Canada avait obtenu un siège.

«Je crois que le Canada mérite le siège. Là n'est pas la question. Si le Canada l'obtient, ce sera malgré le bilan des conservateurs», a dit M. Ignatieff, rappelant au passage que le premier ministre Stephen Harper avait préféré aller prendre un café à Oakville pour célébrer le retour de la chaîne Tim Hortons sous le giron canadien l'an dernier plutôt que d'assister au discours du président Barack Obama à l'ONU.

Avant leur arrivée au pouvoir, les conservateurs ne s'étaient pas gênés pour critiquer les Nations unies, jugeant cette organisation lourde et inefficace. Le gouvernement Harper s'est aussi attiré des remontrances du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, pour son refus de s'attaquer plus vigoureusement aux changements climatiques.

«Je ne souhaite pas que les conservateurs récoltent les fruits de leurs mauvaises politiques. Je veux que le Canada obtienne ce siège. Mais je constate seulement qu'ils n'ont pas mené une bonne campagne. Le gouvernement Harper a marginalisé l'ONU dans sa politique étrangère depuis quatre ans. C'est une erreur», a dit M. Ignatieff.

Conscient de l'importance du vote du 12 octobre, le premier ministre Stephen Harper a prononcé deux discours en trois jours devant l'ONU il y a trois semaines afin de s'assurer d'une victoire du Canada. M. Harper avait prononcé un seul autre discours à l'ONU auparavant, en 2006.

«Cette assemblée devrait savoir que le Canada est admissible au Conseil de sécurité. Si nous sommes élus, nous serons prêts à servir», a alors affirmé M. Harper.

Dans son discours, M. Harper a insisté sur l'attachement des Canadiens aux idéaux de l'ONU et a évoqué les différentes formes d'engagement international du Canada, tant l'aide au développement que la présence des troupes canadiennes en Afghanistan.

M. Harper a rappelé que le Canada s'était engagé à doubler son aide à l'Afrique, devenant «leader au sein du G8 pour ce qui est de remplir cet engagement», et que son gouvernement compte «doubler le total global de l'aide au développement en mars prochain» par rapport au niveau d'avant son arrivée au pouvoir en 2006.

La «peur» de Harper

Dans un livre qui doit paraître demain, Paul Heinbecker, dernier ambassadeur du Canada au Conseil de sécurité des Nations unies, affirme que Stephen Harper était davantage motivé par la «peur» que par un «véritable intérêt» dans la course pour le siège temporaire au Conseil.

M. Heinbecker estime que le gouvernement conservateur a manifesté depuis 2006 son intérêt pour les affaires onusiennes de manière sporadique, mis à part la mission en Afghanistan.

Il ajoute que M. Harper a conseillé aux diplomates canadiens de ne pas prendre part aux négociations de l'ONU sur les droits de la personne et de ne pas utiliser des termes comme «équité des sexes» et «loi humanitaire internationale», parce que cela choque la base conservatrice du parti.

Avec La Presse Canadienne