Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, estime qu'il est tout à fait normal de revoir le contrat d'achat de 65 avions de chasse F-35 évalué à 9 milliards de dollars si le principal allié du Canada, les États-Unis, s'interroge également sur la facture élevée de ces appareils.

Réagissant aux critiques des dirigeants des plus grandes entreprises de l'industrie aérospatiale, hier, M. Ignatieff a soutenu que le gouvernement Harper n'a pas fait ses devoirs en accordant le contrat en question à une société américaine, Lockheed Martin, en juillet, sans appel d'offres.

Le chef libéral a aussi réitéré sa promesse de suspendre ce contrat s'il prend le pouvoir aux prochaines élections afin de prendre le temps d'évaluer les besoins des Forces armées canadiennes. Les avions de chasse F-35 doivent remplacer la flotte vieillissante des CF-18 à partir de 2016.

«La construction de cet avion est en retard. Le prix de l'avion a presque doublé en six ans. Le gouvernement conservateur ne peut pas nous dire combien exactement cela va nous coûter. (...) À Washington, l'administration américaine est très préoccupée par le dérapage du programme. Je ne veux pas qu'on s'enlise dans un investissement quand les Américains posent la question: combien cela va nous coûter?», a affirmé hier M. Ignatieff.

Mardi, sept dirigeants d'entreprises de l'industrie aérospatiale sont venus à Ottawa afin d'exhorter les partis politiques, en particulier le Parti libéral, à appuyer la décision du gouvernement Harper d'acheter ces avions et à cesser les «jeux politiques». Ils ont dit craindre que le débat sur l'achat de ces avions de chasse ne dérape au point de mettre en péril des milliers d'emplois.

Ce contrat d'achat soulève la controverse depuis quelques semaines non seulement parce qu'il a été accordé sans appel d'offres mais aussi parce qu'il ne contient aucune clause obligeant Lockheed Martin à investir l'équivalent de la valeur du contrat en retombées économiques au pays.

Mais les dirigeants des grandes entreprises - dont Marc Parent de CAE, John Saabas de Pratt & Whitney, Gilles Labbé de Héroux-Devtek - ont soutenu que l'industrie canadienne est capable d'aller chercher plus que sa part de contrats - au moins 12 milliards de dollars - du fait qu'elle pourra participer à la chaîne d'approvisionnement mondial pour construire jusqu'à 5000 avions.

Ils ont aussi rappelé que le Canada participe au projet de construction de cet avion avec huit autres pays alliés depuis 1997 et qu'il serait irresponsable de s'en retirer alors que la construction de l'appareil se met en branle.

Aux Communes, hier, les ténors du gouvernement Harper ont repris à leur compte les déclarations des dirigeants d'entreprise afin d'accentuer la pression sur les libéraux pour qu'ils respectent le contrat d'achat.

«Notre décision d'acheter ces avions donne à l'industrie aérospatiale canadienne un accès prioritaire au programme des F-35, offre des occasions de créer des emplois, et permet de participer à la construction de 5000 avions au lieu de 65 avions. Les députés n'ont pas à me croire sur parole. Les experts de l'industrie le disent eux-mêmes», a affirmé le ministre de l'Industrie Tony Clement.

Le critique libéral en matière de défense, Dominic LeBlanc, a rétorqué que d'autres pays émettent aussi des réserves.

«Le prix des avions de chasse n'arrête pas de grimper, mais les conservateurs continuent de vouloir donner un chèque en blanc à Lockheed Martin. Pourtant, les autres partenaires de ce projet commencent à reculer. La Norvège hésite, les Pays-Bas hésitent, les conservateurs britanniques sont incertains, et même les États-Unis vont réduire leurs achats.

(...) Tous ces gouvernements protègent leurs contribuables alors que les conservateurs veulent forcer les Canadiens à payer avec de l'argent emprunté et sans appel d'offres», a-t-il déclaré.