L'administration du président Barack Obama fait l'éloge de certaines vieilles idées libérales sur le rôle du Canada sur la scène internationale, des politiques que les conservateurs de Stephen Harper ont été accusés d'avoir abandonnées.

Lors d'une entrevue exclusive avec La Presse Canadienne, l'assistante-secrétaire responsable des organisations internationales au département d'État américain, Esther Brimmer, a louangé l'ancien ministre libéral des Affaires étrangères Lloyd Axworthy et son programme de «sécurité humaine».

Mme Brimmer a aussi affirmé que son gouvernement appuyait fermement un principe clé du programme de M. Axworthy : la doctrine de la «responsabilité de protéger» que les Nations unies ont endossée il y a cinq ans, dans une volonté de prévenir des génocides et de protéger les civils innocents des abus commis par leurs propres dirigeants.

Le Canada a lancé une commission internationale il y a une décennie pour rédiger la doctrine. Parmi les membres du comité figurait l'actuel chef libéral Michael Ignatieff, qui était alors dans le monde universitaire.

Le Canada et d'autres pays ont été des chefs de file dans la réflexion sur le sens de la sécurité humaine, a dit Mme Brimmer lors de l'entrevue, réalisée en marge du sommet international de l'aviation à Montréal.

Les commentaires de Mme Brimmer sont opportuns parce qu'elle observe la course pour les deux sièges temporaires au Conseil de sécurité de l'ONU - une compétition entre le Canada, l'Allemagne et le Portugal dont la gagnant sera choisi par vote secret le 12 octobre au siège des Nations unies.

Depuis que le gouvernement conservateur a pris le pouvoir en 2006, plusieurs observateurs estiment qu'il a pratiquement abandonné le principe de la responsabilité de protéger aux Nations unies.

Un livre de l'ancien diplomate canadien Paul Heinbecker, qui doit paraître bientôt, accuse les conservateurs de mener une «diplomatie d'interrupteur» («light switch diplomacy») en adoptant une politique étrangère opposée à celle du précédent gouvernement libéral dans le but de se distinguer.

Mme Brimmer a assisté à l'Assemblée générale des Nations unies la semaine dernière, où le premier ministre Stephen Harper a vanté le bilan du Canada et a affirmé que le pays était prêt à assumer un mandat de deux ans au Conseil de sécurité.

Mme Brimmer a refusé de commenter le discours de M. Harprer, affirmant que c'est la politique des États-Unis de ne pas endosser publiquement les pays qui rivalisent pour obtenir un siège au Conseil de sécurité.

«Les contributions du Canada à la communauté internationale sont bien connues et ont été documentées pendant des décennies. (...) Il y a trois pays qui concourent pour deux sièges du groupe occidental et tous les trois sont de proches alliés des États-Unis», a dit Mme Brimmer, responsable de la branche du département d'État qui gère les relations des États-Unis avec les institutions multilatérales, comme l'ONU.

Mme Brimmer s'est montrée très expressive dans son éloge de M. Axworthy et du programme dont il a fait la promotion quand il était ministre des Affaires étrangères de 1996 à 2000, des idées qui ont guidé le dernier mandat du Canada au Conseil de sécurité, de 1998 à 2000.

Elle a affirmé que l'administration Obama avait adopté l'idée de sécurité humaine, la qualifiant de «concept très puissant» qui reçoit une attention spéciale dans son département.

«Nous sommes de grands partisans de la responsabilité de protéger», a ajouté Mme Brimmer.

Lloyd Axworthy a estimé que les propos de Mme Brimmer donnaient au gouvernement Harper une occasion de coopérer plus étroitement avec les États-Unis et d'endosser le programme de sécurité humaine.

«Je trouve que l'administration Obama, en termes de vision du monde et de pratiques qu'elle tente d'appliquer, semble accepter la prémisse de base de la politique de sécurité humaine que nous avions», a affirmé M. Axworthy, aujourd'hui président de l'Université de Winnipeg.

«Ce n'est pas exclusivement une idée libérale. C'était une expression de la direction vers laquelle le monde se dirigeait et dans laquelle le Canada pouvait jouer un rôle efficace et utile», a ajouté l'ancien ministre.