Près de deux ans après les faits, la gouverneure générale Michaëlle Jean a brisé son silence concernant le jour où elle a sauvé le gouvernement Harper.

Alors que son mandat tire à sa fin, Mme Jean a partagé quelques-unes de ses réflexions dans une entrevue d'adieu avec La Presse Canadienne, mardi.

Elle a déclaré qu'elle n'avait jamais pensé maintenir le pays dans l'attente lorsqu'elle a fait patienter le premier ministre pendant deux heures avant de répondre favorablement à sa demande de prorogation.

Toutefois, Mme Jean a indiqué qu'elle avait le devoir de prendre la bonne décision et a pris son temps avant de rendre son avis final.

«J'avais le mandat de prendre une décision. Je ne pouvais la prendre en quelques minutes seulement, a-t-elle expliqué. Ma préoccupation principale était de prendre la meilleure décision, celle qui était dans l'intérêt du pays, alors j'ai dû analyser et prévoir tout ce que ma décision impliquait.»

Michaëlle Jean a tenu ces propos dans le même bureau de Rideau Hall où, il y a deux ans, elle accueillait le premier ministre Harper.

À l'extérieur, des déménageurs chargeaient ses effets personnels dans un camion qui se rendrait ensuite jusqu'à son nouveau domicile situé dans la ville d'Ottawa. Mme Jean a confié que sa fille de 11 ans lui avait demandé de rester dans la capitale nationale puisqu'elle s'y était attachée.

Elle vaquera à ses nouvelles occupations - envoyée spéciale pour l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et dirigeante d'une de la fondation caritative Michaëlle Jean - à partir de bureaux situés à l'Université d'Ottawa.

En décembre 2008, toutes les caméras de télévision du Canada étaient braquées sur le parvis de la résidence de la gouverneure générale pendant deux heures qui ont paru un éternité.

Le pouvoir du premier ministre était sur le point d'être ravi par une coalition formée par les partis d'opposition. La décision de Mme Jean de permettre la prorogation du Parlement a donné un sursis au gouvernement de Stephen Harper, et la coalition s'est finalement effritée.

La gouverneure générale a ajouté qu'elle voyait des résultats positifs de cet épisode : elle est persuadée que toute la crise de la prorogation avait précipité une discussion nationale et avait permis aux Canadiens d'en apprendre davantage sur leur démocratie.

«Je pense que cela envoyait un message très fort à la nation, aux citoyens du pays: »Vous devez être bien informés, vous devez vous sentir concernés et vous devez en apprendre sur notre système politique«. D'un seul coup, les constitutionnalistes se sont mis de la partie, c'est comme si une immense conversation dans le pays s'était engagée.»

«Je suis heureuse de voir qu'il y aura un »avant« et un »maintenant« désormais, parce que les gens ont commencé à soulever des questions quant au rôle du gouverneur général.»

Et il s'agit d'une des raisons qui l'a poussée à consacrer autant de temps à la rencontre avec Stephen Harper, allant même jusqu'à annuler sa présence à un autre événement.

«L'idée n'était pas de créer un suspense artificiel, a-t-elle nuancé. L'idée, c'était de lancer un message et que les gens comprennent, de fait, que ça mérite réflexion.»

Mme Jean a précisé qu'elle n'était qu'une observatrice ordinaire du bureau du gouverneur général avant d'entrer en poste.

Elle a également indiqué qu'elle avait entendu des commentaires de Canadiens qui n'aimaient pas le rôle de vice-royal.

«Combien de fois j'ai entendu dire que le gouverneur-général est un personnage potiche...», a-t-elle lancé.

La gouverneure générale a cependant souligné qu'elle croyait qu'aussi longtemps que le Canada aurait un bureau de représentant de la reine, celui-ci pourrait être utilisé pour accomplir de bonnes choses.

Mme Jean a ajouté qu'elle espérait que son mandat de cinq ans avait permis de donner une voix aux citoyens du Canada et d'ailleurs dans le monde.