Le dossier du recensement est revenu à l'ordre du jour, à Ottawa. Tandis que la Cour fédérale entend cette semaine une demande de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), qui veut obliger le gouvernement à rétablir le caractère obligatoire du formulaire détaillé du recensement, les députés débattront mardi d'une motion dans le même sens du Parti libéral. De son côté, le gouvernement n'entend pas fléchir, quelle que soit l'issue du vote à la Chambre des communes.

Devant la Cour fédérale, l'avocat de la FCFA, Rupert Bourdais, a fait valoir que le gouvernement n'aurait qu'à retirer la page frontispice du formulaire qui explique que, dorénavant, ce questionnaire n'est que volontaire.

Il a affirmé que, autrement, Ottawa se trouverait à violer ses obligations, car sa décision l'empêcherait d'avoir les informations fiables nécessaires pour mettre en place des mesures qui favorisent l'épanouissement des communautés francophones hors Québec comme le veut la Loi sur les langues officielles. Ce matin, ce sera au tour des procureurs du gouvernement d'exposer leur point de vue.

Motion

À peu près au même moment, à la Chambre des communes, les députés débattront d'une motion présentée par le Parti libéral, qui demande au gouvernement de rétablir «immédiatement le formulaire détaillé obligatoire» et de présenter «des amendements législatifs à la Loi sur la statistique afin d'éliminer la clause au sujet de l'emprisonnement», tant dans le recensement général que dans le recensement agricole.

Les partis de l'opposition devraient faire front commun au moment du vote, qui se tiendra en principe demain après-midi. Mais déjà, le ministre de l'Industrie, Tony Clement, a laissé entendre qu'il ne se conformerait pas à la volonté exprimée par la Chambre des communes.

«Notre gouvernement a pris la position que des motions concurrentes ne sont que cela: des motions. Elles n'ont pas force exécutoire face au gouvernement», a-t-il déclaré aux journalistes après la période de questions.

L'un des porte-parole libéraux en la matière, le député Marc Garneau, a déploré cette attitude. «On a un projet de loi privé qui va être présenté d'ici peu et qui peut être contraignant si on obtient une majorité en troisième lecture à la Chambre des communes et que ça passe au Sénat», a-t-il cependant fait remarquer.

«Le gros obstacle, ça va être le Sénat», a reconnu M. Garneau. Le rapport de force penche en effet de plus en plus en faveur des conservateurs à la Chambre haute. Le député de Westmount a par ailleurs admis que, s'il entre en vigueur, ce projet de loi pourrait retarder le recensement.

Nouveau document

La controverse autour du recensement fait rage depuis l'été dernier. Plusieurs groupes, dont des chercheurs, des groupes religieux, des municipalités et des regroupements de gens d'affaires, se sont opposés à la décision d'Ottawa de rendre facultatif le questionnaire détaillé du recensement, par ailleurs sensiblement écourté.

Le gouvernement explique qu'il veut empêcher que des questions trop personnelles soient posées aux Canadiens sous peine d'amendes ou de peines de prison - une peine qui n'a par ailleurs jamais été appliquée.

Lundi, à la Cour fédérale, les avocats de la FCFA ont produit en preuve un nouveau document qui démontre que les fonctionnaires de Statistique Canada s'opposaient à la décision du gouvernement. Ce document, intitulé Demande d'approbation par le statisticien en chef et daté du 19 juillet - donc après que le gouvernement eut annoncé ses intentions - comprend l'avis de deux hauts fonctionnaires: «Il doit être reconnu que la qualité des informations émanant d'une enquête volontaire sur les ménages sera moins grande que celle obtenue par un recensement obligatoire», a noté François Maranda, adjoint du statisticien en chef.

«Ainsi, cette information ne sera pas utilisable pour un ensemble d'objectifs pour lesquels l'information du recensement serait nécessaire», a conclu sa collègue, Rosemary Bander. Leur patron, Munir Sheikh, a démissionné deux jours plus tard en signe de protestation.