Inacceptable, inadmissible, inquiétant: l'ensemble de la classe politique à Ottawa s'est indignée, hier, en apprenant que le dossier médical confidentiel d'un ardent défenseur des vétérans s'était retrouvé en 2006 sur le bureau du ministre des Anciens Combattants de l'époque.

Le gouvernement de Stephen Harper s'est retrouvé dans l'embarras aux Communes après que La Presse Canadienne eut révélé que le ministre conservateur Greg Thompson avait eu accès à des notes de synthèse contenant les informations médicales et financières de Sean Bruyea, retraité des Forces canadiennes qui milite pour que les anciens combattants et leurs familles soient mieux traités.

Selon les documents que La Presse Canadienne a consultés, le ministre Thompson aurait été mis au courant de l'état de santé physique et psychologique de M. Bruyea, et il aurait lu des passages d'un rapport psychiatrique qui indique que le patient a des idées suicidaires. C'est le vétéran lui-même qui a découvert le pot aux roses en consultant les documents qui lui ont été remis après une requête en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. M. Bruyea a fait une plainte au bureau de la commissaire à la vie privée, qui a ouvert une enquête, et il s'est adressé aux tribunaux.

Les partis de l'opposition à Ottawa n'ont pas mis de temps à condamner ce qu'ils considèrent comme une atteinte au droit à la vie privée, venant d'un gouvernement qui a éliminé le questionnaire long du recensement sous prétexte qu'il s'agissait d'une intrusion dans la vie des gens.

«C'est tout à fait inacceptable et le gouvernement doit lancer immédiatement une enquête et prendre la responsabilité de ce qui est arrivé, a affirmé le chef du NPD, Jack Layton. Combien d'autres anciens combattants ont eu la même expérience?»

Au Bloc québécois, on juge l'affaire «inadmissible» et on craint que ces informations personnelles aient été diffusées dans l'objectif de faire taire un opposant au gouvernement.

«On sait que cette personne était extrêmement critique à l'égard de la Charte des vétérans, a dit le leader parlementaire, Pierre Paquette. On peut penser que les conservateurs ont voulu utiliser ces renseignements pour discréditer quelqu'un qui conteste leur approche.»

Même son de cloche chez les libéraux. «Apparemment, ce gouvernement n'écarte aucune tactique pour tenter de faire avancer ses positions politiques et c'est très dangereux pour la vie privée et l'intégrité des Canadiens», a dit le chef adjoint, Ralph Goodale.

Le premier ministre Harper a réagi en Chambre, assurant à la commissaire à la vie privée qu'elle obtiendrait la plus grande collaboration du gouvernement pour enquêter dans ce dossier. «C'est complètement inacceptable. Les Canadiens prennent très au sérieux les lois sur la protection de la vie, particulièrement pour ceux qui ont servi le pays en uniforme», a souligné le premier ministre, rejetant le blâme sur le précédent gouvernement libéral en soulignant que les informations concernant M. Bruyea circulaient parmi les fonctionnaires avant l'arrivée au pouvoir des conservateurs.

L'actuel ministre des Anciens Combattants, Jean-Pierre Blackburn, a ajouté qu'il prendrait les mesures nécessaires pour que cela ne se reproduise pas. «La protection des renseignements est un droit fondamental pour tous les Canadiens, également pour nos anciens combattants. Toute violation demeure inacceptable et nous ne tolérerons pas cela», a-t-il indiqué. - Avec La Presse Canadienne