Le gouvernement Harper a déboursé plus de 55 millions durant le sommet du G8 pour loger et nourrir 4500 agents de sécurité. Cette somme a notamment servi à transporter des centaines de maisons mobiles de l'Alberta jusqu'à Huntsville.

La société américaine Aramark, à qui Ottawa a accordé le contrat sans appel d'offres formel, a installé le tout dans une carrière de gravier au beau milieu de la forêt ontarienne.

«L'enceinte - presque une "mini-ville" - nécessitait des dortoirs, de l'eau potable, des systèmes d'égouts, une salle à manger de la taille d'un terrain de football et une équipe de pompiers sur place», a expliqué la responsable des communications de la société Aramark, Debbie Albert, dans un courriel envoyé à La Presse.

Les policiers pouvaient même compter sur la présence d'un Tim Hortons, installé temporairement dans l'une des centaines de roulottes qui formaient une mer de cubes dans la carrière.

«Plus de 760 camions en provenance de l'ouest du Canada ont convergé vers la carrière, et 40 autres en provenance de l'Est canadien», a précisé Mme Albert.

Appel d'offres sélectif

La Presse a obtenu ces informations en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Le Groupe intégré de la sécurité, composé entre autres d'agents de la GRC chargés de surveiller les activités entourant le sommet, avait refusé de les communiquer verbalement, invoquant des raisons de sécurité.

Aramark possède plusieurs bureaux au Canada et sa porte-parole a fait valoir par courriel que la société a fourni une gamme complète de services. «Pendant une période de deux semaines, Aramark a servi le petit-déjeuner et le souper dans une salle à manger de 35 000 pieds carrés qui pouvait accueillir 2500 personnes et a servi le dîner dans une installation mobile», a indiqué Debbie Albert.

«Aramark a géré une équipe de plus de 400 personnes, y compris des employés de cuisine, du personnel de ménage, des gérants de projets et des pompiers», a-t-elle ajouté.

Le porte-parole du Groupe intégré de la sécurité, le sergent Léo Monbourquette, a pour sa part expliqué que le contrat avait été accordé sans appel d'offres, mais après qu'une lettre d'intérêt eut été publiée dans le site web Merx, à l'automne 2009.

Ce processus consiste à publier un avis public, mais sans donner de détails sur les services requis. Les entreprises intéressées sont invitées à joindre une personne-ressource. Dans ce cas-ci, seules celles qui possédaient une accréditation de sécurité et qui signaient un engagement de confidentialité pouvaient ensuite soumissionner.

«La loi canadienne permet à la Gendarmerie royale du Canada, pour des raisons de sécurité nationale - ça s'appelle une exception au titre de la sécurité nationale -, d'exclure certaines des procédures normales lorsqu'ils doivent demander un contrat», a justifié le sergent Monbourquette.

La GRC n'a pas voulu dire combien d'entreprises avaient soumissionné mais a indiqué qu'il y en avait eu «plus qu'une».

Pourquoi être allé chercher des maisons mobiles à des centaines de kilomètres du sommet? «Les logements temporaires n'étaient pas disponibles dans la région, a répondu la porte-parole du corps policier, la sergente Pat Flood. C'est la raison pour laquelle nous sommes allés les chercher en Alberta.»

Soixante-sept millions

Aux yeux du critique libéral en matière de sécurité publique, Mark Holland, ces coûts sont pour le moins surprenants. «Personne ne se serait attendu à ce qu'on dépense plus de 50 millions de dollars pour installer des résidences temporaires dans une carrière de gravier», a réagi le député ontarien.

«Et puisque la vaste majorité des roulottes provenait de l'Ouest, on peut se demander pourquoi elles ne provenaient pas de la région. Ça a dû contribuer de manière énorme à ces coûts.»

Le document obtenu par La Presse fournit également des détails sur les frais engagés pour loger le personnel de sécurité dans d'autres hôtels, au cours des mois entourant les deux sommets. Ainsi, en plus des 55 186 832 $ versés à Aramark, on peut voir que le gouvernement a déboursé 12,5 millions pour des milliers de nuitées dans les régions de Toronto et de Huntsville.

Par exemple, le Crowne Plaza de l'aéroport de Toronto a reçu 1,1 million d'Ottawa pour 5840 nuitées. Le Four Points, à proximité, a obtenu près de 430 000 $ pour 2420 nuitées. Et le TraveLodge de Barrie, près de Huntsville, aurait facturé un peu plus de 174 000 $ pour un nombre inconnu de nuits.

Au total, Ottawa aurait donc déboursé 67 millions pour loger les agents de sécurité dans les semaines ou les mois entourant les sommets du G8 et du G20.

«Ça souligne encore davantage à quel point les sommets auraient tous se dérouler au même endroit, a lancé le député Mark Holland. Ils n'auraient pas dû les diviser et ensuite payer des hôtels à fort prix dans le centre-ville de Toronto.»

- Avec la collaboration de William Leclerc