Les électeurs pourraient être appelés à trancher le bras de fer que se livrent les conservateurs et les trois partis de l'opposition depuis que le gouvernement Harper a décrété le mois dernier que seuls les ministres - et non plus leurs adjoints - peuvent comparaître devant les comités parlementaires.

Le Parti libéral, le NPD et le Bloc québécois tentent depuis trois semaines de faire comparaître le directeur des communications du premier ministre, Dimitri Soudas, devant un comité des Communes pour qu'il s'explique sur les allégations d'ingérence dans les demandes d'accès à l'information.

Au début du mois, le comité a même envoyé une citation à comparaître à l'intention de M. Soudas. Un huissier a tenté de lui remettre cette assignation, mais sans succès.

C'est le ministre des Transports, John Baird, responsable de la Loi sur l'accès à l'information, qui s'est présenté devant les membres du comité à trois reprises à la place de M. Soudas pour répondre aux questions.

Vote de confiance

Ulcérés, les membres du comité de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique sont en train de rédiger une chronologie des événements et les trois partis de l'opposition songent à demander au président de la Chambre des communes, Peter Milliken, d'intervenir.

M. Milliken pourrait donc avoir à trancher sur la décision de M. Soudas de ne pas respecter l'assignation et pourrait aussi accepter une motion des partis de l'opposition visant à déclarer le proche collaborateur de M. Harper coupable d'outrage au Parlement.

Mais une telle manoeuvre ne sera pas sans conséquence. Stephen Harper a l'intention de faire de cette question un vote de confiance, a confié lundi à La Presse une source conservatrice.

«Si les partis de l'opposition poussent l'affaire jusqu'à la Chambre des communes afin de déclarer les adjoints politiques coupables d'outrage au Parlement, cela va vouloir dire qu'ils vont juger aussi le gouvernement coupable d'outrage au Parlement étant donné que c'est une politique gouvernementale de ne pas faire témoigner le personnel politique», a affirmé cette source.

«Les partis de l'opposition pourraient donc provoquer la chute du gouvernement sur cette question», a-t-elle ajouté.

Au Bloc québécois comme au NPD, on affirme avoir l'intention de pousser cette affaire jusqu'au bout, estimant qu'il s'agit d'une question de principe qui va au coeur du régime démocratique. «À un moment donné, Stephen Harper et les conservateurs vont devoir se rendre compte que ce n'est pas une dictature ici et qu'ils ont des comptes à rendre», a indiqué une source bloquiste.

Les libéraux, qui voient leurs appuis stagner, voire diminuer dans les sondages à l'échelle du pays, sont un peu moins belliqueux que les bloquistes et les néo-démocrates, du moins en privé, sur cette question. Les stratèges libéraux veulent éviter des élections précipitées, même à l'automne, compte tenu de l'état d'organisation de leurs troupes.

Réactions

Aux Communes, lundi, le député libéral Marcel Proulx a accusé M. Harper de faire fi des lois. «Le premier ministre a décidé que la loi ne s'applique pas à son directeur des communications. Il a fait de Dimitri Soudas son menteur, accusateur, manipulateur en chef, mais il veut nous faire croire qu'il est trop fragile pour venir en comité. Pourtant, il avait l'air en pleine forme quand il a attaqué la réputation de Steven Guilbeault, à Copenhague. On se croirait en Union soviétique», a-t-il lancé.

Le député conservateur Pierre Poilievre a rétorqué : «Nous avons déjà annoncé notre intention de continuer de respecter la tradition de responsabilité ministérielle. Cela fait des centaines d'années que ce système est en place. (...) Alors, nous allons respecter cela.»

Depuis le début de ce bras de fer, les conservateurs affirment que les partis de l'opposition veulent convoquer des adjoints de ministres pour les «intimider» et pour se livrer à des «interrogatoires au hasard» dans le but de se faire du capital politique.