Des jeunes qui ont participé à un exercice où ils pouvaient poser des questions au premier ministre Stephen Harper se sont plaints que le tout était scripté par le bureau du premier ministre.

La scène n'avait rien de spontané.

Le maître de cérémonie était un sénateur conservateur: Mike Duffy. M. Harper était placé bien en face des caméras, tournant le dos à une partie des jeunes venus le rencontrer. Et les questions des jeunes, selon deux d'entre eux, avaient été réécrites par le bureau du premier ministre.

La centaine de jeunes, venus de partout au pays, étaient installés, en rangées bien droites, dans une salle du Parlement, lundi après-midi, où ils pouvaient interagir avec M. Harper. La discussion devait porter sur les sommets du G8 et du G20 qui se tiennent en Ontario, en juin.

L'exercice était commandité par un organisme, Vision internationale, qui a mis sur pied, conjointement avec le gouvernement fédéral, un groupe de jeunes ambassadeurs du G8 et du G20.

Des huit questions lues par les jeunes femmes et les jeunes hommes choisis par le sénateur Duffy, aucune ne portait sur un sujet pouvant embarrasser le premier ministre.

Ainsi, elles ont presque toutes porté sur l'économie.

La semaine dernière, M. Harper refusait de mettre à l'ordre du jour du G8 les questions du réchauffement climatique comme le lui demandait le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. M. Harper affirmait alors que ce sommet devait essentiellement se pencher sur les problèmes de la crise économique dont on se remet à peine. Il n'y a eu aucune question sur l'environnement.

La question qui aurait pu aborder la controverse entourant le refus du Canada de financer les services d'avortement dans les pays du tiers-monde, dans le cadre de l'initiative du G8, a soigneusement évité le mot «avortement».

Et celle qui a posé cette question semblait confirmer la confidence faite par deux de ses collègues qui, une fois le premier ministre parti, ont raconté que les jeunes ont soumis leurs questions à Vision internationale, puis, les questions choisies ont été réécrites par le bureau de M. Harper. Ces deux jeunes préféraient ne pas être identifiés.

Cynthia Myrer, elle, avait de la difficulté à expliquer pourquoi le mot «avortement» ne se retrouvait pas dans sa question même si «oui, c'était à propos de l'avortement (qu'elle voulait parler),» admettait-elle, manifestement très mal à l'aise, à quelques journalistes.

Elle n'a jamais pu s'expliquer davantage, une autre jeune femme, Anna Fricker, ayant interrompu l'entrevue. Se présentant comme une jeune ambassadrice de Vision mondiale, un groupe chrétien, Mme Fricker a maintenu que «la question de la santé maternelle, en fait, n'a rien à voir avec l'avortement».

L'entrevue avec Mme Fricker a été interrompue à son tour par une organisatrice de Vision internationale qui disait être «supposée garder tout ceci sous contrôle» et demandait aux journalistes de ne parler qu'aux personnes identifiées comme porte-parole «afin qu'on puisse garder un message conséquent».

Les deux jeunes qui se sont confiés aux journalistes semblaient déçus de l'exercice. Une des deux a avancé que si certains ont accepté de jouer le jeu et de poser les questions telles que revues par les gens du premier ministre, c'est parce que «les organisateurs ont choisi les jeunes les moins têtes fortes» pour poser les questions.

Un porte-parole de Stephen Harper a affirmé, lundi soir, que «le Bureau du premier ministre n'avait réécrit les questions de personne».