Moins de 24 heures après le dépôt d'un projet de loi qui rendrait plus difficile l'obtention d'un pardon pour un criminel, un ministre et un sénateur conservateurs se sont plaints de l'accueil réservé à leur proposition.

Dépêchés en point de presse pour réclamer l'appui de l'opposition à leur dernière initiative en matière de criminalité, le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, et le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu s'en sont pris au chef bloquiste, Gilles Duceppe. Car ce dernier n'a pas accueilli assez favorablement à leur goût leur projet de loi.

Invité à commenter le projet de loi lors de son dépôt, mardi, M. Duceppe a expliqué vouloir d'abord bien l'étudier.

En vertu du projet de loi C-23, les personnes reconnues coupables d'une infraction sexuelle contre un mineur ou celles reconnues coupables de plus de trois actes criminels ne seraient plus admissibles au pardon - un terme qui serait d'ailleurs remplacé par «suspension du casier judiciaire». Et la période d'inadmissibilité serait prolongée pour les autres.

Le projet de loi fait suite à un mécontentement populaire survenu après que La Presse Canadienne eut révélé que l'entraîneur de hockey Graham James avait obtenu un pardon en 2007 pour les agressions sexuelles qu'il avait commises sur deux adolescents, dont le hockeyeur Sheldon Kennedy.

Citant justement en exemple le cas d'un criminel qui pourrait être reconnu coupable d'agression sexuelle, M. Duceppe avait argué, à sa sortie des Communes mardi, que si le crime était peu important, bien que grave, et si le criminel était très jeune lors de l'acte, il faudrait s'assurer que de lui refuser un pardon ne nuirait pas à ses chances de réintégrer la société, une fois sorti de prison.

Un commentaire qui a été vivement dénoncé par les représentants du gouvernement de Stephen Harper, mercredi.

À sa sortie de la réunion hebdomadaire du caucus de son parti, le sénateur Boisvenu a reproché à M. Duceppe d'avoir tout de suite eu une première pensée pour les criminels plutôt que pour les victimes.

«J'inviterais le Bloc à penser davantage aux contraintes que les victimes ont eues durant tous les processus judiciaires», a dénoncé le sénateur québécois, dont la fille a été violée et assassinée en 2002 par un récidiviste.

«Les palais de justice sont remplis d'avocats qui défendent les criminels. On n'en a pas besoin au Parlement», a-t-il poursuivi.

M. Boisvenu, qui dit avoir accepté un poste au Sénat pour militer en faveur des droits des victimes, ne veut voir au Parlement que des gens qui défendent les victimes et leurs familles.

Or, les parlementaires ne sont pas élus pour jouer aux juges, a répliqué le leader bloquiste, piqué au vif par les accusations du sénateur Boisvenu.

«On est ici pour établir des bons mécanismes de justice et non pas pour jouer aux justiciers, et il y en a qui confondent les rôles pour toutes sortes de raisons», a fait valoir M. Duceppe, accusant ses détracteurs d'être des «démagogues dangereux».

Quant aux propos tenus par les conservateurs à son égard plus tard en après-midi, M. Duceppe n'a pas non plus apprécié la façon dont ses paroles de la veille ont été rapportées aux Communes.

«On me faisait dire que je défendais les violeurs (...) j'ai jamais dit ça. Vous étiez là», s'est-il indigné en répondant aux questions des journalistes.

Trois députés conservateurs ont en effet eux aussi dénoncé, en Chambre, que les partis d'opposition n'aient pas immédiatement endossé leur plus récent projet de loi, mais plutôt choisi d'étudier le libellé et de consulter des experts avant de se prononcer formellement.

Et les attaques les plus virulentes ont été réservées aux députés bloquistes, qui «sont inquiets de stigmatiser les violeurs», ont déploré les conservateurs.

«Hier (mardi) après-midi, le chef bloquiste a confirmé son indifférence envers les victimes de crimes graves (...) De toute évidence, le chef bloquiste ne soutient pas les femmes québécoises et les enfants québécois victimes d'agressions sexuelles», a estimé Daniel Petit, le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, dans sa déclaration de député.