Pour la première fois depuis que la controverse a fait surface, l'ancien député conservateur Rahim Jaffer répondra, en public, aux allégations de lobbying irrégulier qui pèse sur lui et sur sa firme, Green Power Generation.

Soudainement moins attiré par l'ombre d'un scandale, le Nouveau Parti démocratique avait tenté, sans succès lundi, d'empêcher M. Jaffer et son associé, Patrick Glémaud, de comparaître devant un comité de la Chambre des communes.

M. Glémaud a fait savoir que lui et M. Jaffer étaient impatients de donner leur version des faits pour défendre leur entreprise, qui se spécialise en technologie viable et en projets d'énergie renouvelable.

«Nous voulons en finir avec cette histoire», a déclaré M. Glémaud à La Presse Canadienne, au sujet de leur présence devant le Comité des opérations des Communes.

«Ce qui nous préoccupe, c'est d'être traités de façon équitable et que soit instaurée une notion de justice naturelle, surtout depuis que le Parti libéral a déjà fait une demande au commissaire à l'éthique pour la tenue d'une enquête, et que ce comité traite du même dossier.»

Le député néo-démocrate Pat Martin avait mis en doute l'utilité de ce qu'il avait qualifié de «cirque», surtout que cette comparution aura lieu avant que la GRC et les commissaires à l'éthique et au lobbying n'amorcent leurs propres enquêtes.

«Je constate qu'il y a plus de répercussions négatives que positives à tout ça. Bien que les propos de M. Jaffer seront sans doute très intéressants à entendre, ils pourraient compromettre une importante enquête sur des accusations criminelles très sérieuses», a soutenu M. Martin.

Mais ultimement, ses efforts pour empêcher la comparution des deux hommes n'a même pas atteint l'étape du vote devant le comité lundi, alors que les libéraux ont fait de l'obstruction. Il devait tenter sa chance de nouveau, mercredi, mais certains membres du comité ont prédit que MM. Jaffer et Glémaud allaient témoigner, malgré tout.

Lors de la période de questions lundi, le NPD s'est séparé du Parti libéral et du Bloc québécois et s'est surtout concentré sur le dossier des vétérans.

Les conservateurs ne s'en sont nullement plaints, eux qui ont à peine réagi aux allégations soulevées aux Communes, selon lesquelles M. Jaffer et son épouse, l'ancienne ministre d'Etat Helena Guergis, auraient enfreint des règles relatives au lobbying et à l'éthique dans le cadre d'activités reliées à l'entreprise de M. Jaffer.

«Les Canadiens nous ont confié le mandat de réaliser certaines choses au sein de ce comité, et je pense que nous allons reprendre cette voie», a déclaré Chris Warkentin, un délégué conservateur au sein de ce comité.

Des allégations non précisées et qui ont poussé le premier ministre Stephen Harper à exclure Mme Guergis du caucus conservateur ont perdu de leur tonus.

Le détective privé qui a contacté les conservateurs et craint que le couple ait été photographié dans une situation compromettante impliquant des escortes et de la cocaïne, a dit n'avoir jamais vu de photos. Et l'homme qui aurait pris les fameux clichés assure n'avoir jamais rien fait de tel.

L'opposition soupçonne également M. Jaffer d'avoir fait du lobbying auprès du gouvernement, sans les accréditations requises, au nom de Green Power Generation, ce que nie catégoriquement son associé.

Dans un dossier distinct, Mme Guergis a expédié une lettre à un conseiller municipal de sa circonscription de Simcoe-Grey, en Ontario, afin de soutenir un projet environnemental dont les promoteurs auraient, par ailleurs, discuté avec M. Jaffer pour évaluer les possibilités d'affaires.

Mme Guergis affirme qu'elle n'a rien fait de mal en appuyant l'entreprise appartenant à un électeur de sa circonscription, et que M. Jaffer n'avait aucun intérêt financier dans cette société.

Par ailleurs, M. Glémaud a laissé planer la possibilité que sa compagnie intente une poursuite en diffamation contre Michael Ignatieff et le Parti libéral du Canada, qui a soulevé le spectre de lobbying irrégulier à l'intérieur de la Chambre des communes mais aussi à l'extérieur.

«C'est de plus en plus probable que nous intentions une action en justice contre M. Ignatieff pour toute cette stupidité et la paresse intellectuelle qui l'a incité à nous attaquer», a déclaré M. Glémaud.

Mais les libéraux n'ont pas laissé tomber le morceau aux Communes.

«Le premier ministre n'a pas convoqué sa ministre et ne lui a pas demandé si elle était mêlée aux histoires louches de M. Jaffer», a lancé M. Ignatieff, en faisant référence à l'arrestation de M. Jaffer pour excès de vitesse l'an dernier.