Le premier ministre Stephen Harper a l'obligation d'expliquer aux Canadiens pourquoi il a congédié la ministre d'État à la Condition féminine, Helena Guergis, vendredi, et a demandé aux policiers de la Gendarmerie royale d'enquêter sur les «allégations sérieuses» qui touchent la députée ontarienne.

C'est du moins ce qu'ont affirmé à l'unisson, hier, le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe et le chef du NPD, Jack Layton.

 

À la reprise des travaux parlementaires, les trois leaders ont dit juger inacceptable que le premier ministre refuse de divulguer les raisons qui l'ont convaincu de non seulement congédier Mme Guergis du cabinet, mais également de l'expulser du caucus conservateur.

Mme Guergis, qui affirme que les allégations à son sujet sont «injustes» et «fausses», doit maintenant siéger comme députée indépendante aux Communes à côté du député indépendant du Québec André Arthur.

En confirmant le départ de Mme Guergis du cabinet, vendredi, M. Harper a affirmé que son cabinet avait été mis au courant «d'allégations sérieuses en ce qui a trait à la conduite» de la députée. «Ces allégations ont rapport avec la conduite de Mme Guergis et n'impliquent aucun autre ministre, aucun autre député, aucun sénateur et aucun employé du gouvernement fédéral.»

En plus de demander à la GRC d'enquêter, M. Harper a aussi invité le commissaire à l'éthique à se pencher sur les allégations.

M. Harper, qui était à Washington hier afin de participer au Sommet sur la sécurité nucléaire organisé par le président américain Barack Obama, n'a pas voulu préciser la nature des allégations concernant Mme Guergis.

La semaine dernière, le Toronto Star a révélé que le mari de Mme Guergis, l'ancien député conservateur Rahim Jaffer, s'était vanté d'avoir un accès privilégié au bureau du premier ministre au cours d'un repas bien arrosé avec un groupe d'individus, dont Nazim Gillani, qui doit répondre à des accusations de fraude. Le bureau de M. Harper a nié avec véhémence les prétentions de M. Jaffer.

Le fameux repas a eu lieu en septembre dernier, quelques heures avant que M. Jaffer soit arrêté pour conduite en état d'ébriété et possession de cocaïne. Le mois dernier, M. Jaffer a plaidé coupable à une accusation réduite de conduite négligente et a dû payer une amende de 500$. Les autres accusations ont été retirées.

M. Gillani, qui prétend avoir déjà été conseiller financier pour le compte des Hells Angels, a aussi cassé la croûte en compagnie de Mme Guergis et M. Jaffer l'automne dernier.

Crédibilité

Pour le chef libéral, Michael Ignatieff, le refus du premier ministre mine non seulement la crédibilité de son gouvernement, mais aussi celle de toute la classe politique.

«Il faut arriver à la vérité dans cette affaire pour dissiper les doutes. Je suis fier d'être en politique. Mais je ne veux pas que les doutes persistent. Il y a un nuage autour de ce gouvernement. C'est dans l'intérêt du gouvernement, je suppose, de dissiper ce nuage», a dit M. Ignatieff.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a affirmé que le refus du gouvernement de divulguer la nature des allégations amplifie les rumeurs. Il a aussi accusé les conservateurs de se comporter comme les libéraux lorsque le scandale des commandites a éclaté. «Les rumeurs sont souvent pires que les faits. Et ça va continuer. Les questions vont continuer. Les langues vont se délier», a dit le chef bloquiste.

Aux Communes, le ministre des Transports, John Baird, a répondu aux questions de l'opposition en l'absence de M. Harper. Il s'est contenté de dire que le premier ministre avait agi rapidement en demandant à la GRC d'enquêter et en expulsant Mme Guergis du cabinet et du caucus.