La première expérience d'entrevue exclusive sur YouTube du premier ministre Stephen Harper s'est soldée, hier soir, par une mésaventure qui n'était pas sans rappeler la vidéo ratée de Stéphane Dion, alors chef du Parti libéral du Canada, lors de la crise de la coalition, en décembre 2008.

Annoncée en grande pompe, l'entrevue préenregistrée a été diffusée sur YouTube avec plus de 70 minutes de retard. Jusqu'à 19h40, le site en question indiquait toujours que le premier ministre répondrait aux questions des Canadiens à 19h. Après la diffusion en direct de la réplique en Chambre du premier ministre au discours du Trône, jeudi dernier, les Canadiens étaient invités à soumettre des questions à M. Harper, par écrit ou par vidéo. Celles qui recevaient ensuite le plus grand nombre de votes du public seraient ainsi posées au premier ministre.

 

Plus de 5000 Canadiens ont répondu à l'appel, avec 1800 questions qui ont au total reçu 170 000 votes de la population.

Animé par le vice-président et chef des services financiers de Google Patrick Pichette, dans un style très similaire à celui des entrevues télévisées - les deux hommes étaient assis autour d'une table et deux verres d'eau -, l'entretien de 40 minutes a permis au premier ministre de répondre à une douzaine de questions.

Sautant du coq à l'âne, suivant l'ordre hasardeux des questions, le premier ministre a rejeté l'idée d'un programme national de service de garde, défendu la chasse au phoque, promis de lutter contre le déficit, assuré que le Canada s'attaquait aux changements climatiques, déploré que la réforme du Sénat ne se soit pas concrétisée et mis en garde les enfants contre l'usage de la drogue. «Il faut que nos enfants comprennent, non seulement le tort que les drogues peuvent leur faire à eux, mais aussi le désastre social auquel ils contribuent s'ils financent, avec leur argent, les organisations qui produisent et distribuent des stupéfiants illicites, a souligné le premier ministre. Même si ces choses (le cannabis) étaient légalisées, je peux vous prédire avec beaucoup de confiance que ça ne deviendrait pas pour autant un commerce respectable fait par des gens respectables.»

Le premier ministre a aussi eu à répondre à la question demandant si le gouvernement fédéral pourrait tenir un référendum sur la souveraineté du Québec et comment il pouvait aider les gens aux prises avec des dettes d'études imposantes ou mieux protéger les caisses de retraite des travailleurs.

Interrogé sur le manque de transparence du gouvernement dans le dossier des détenus afghans, le premier ministre a réitéré qu'il n'existait pas de preuve que des soldats canadiens se soient rendus complices de mauvais traitements de prisonniers.

Interrogé sur le retard de la diffusion de l'entrevue du premier ministre - qui débute par un «bon après-midi», même si elle a été mise en ligne après 20h -, le bureau de M. Harper a dirigé les journalistes vers le service des affaires publiques de Google Canada.

Des difficultés techniques avec le téléchargement sur le site de l'entrevue, qui a finalement été deux fois plus longue que prévu, expliquent le retard dans la diffusion, a-t-on rétorqué chez Google.

Au début de décembre 2008, alors qu'une coalition formée par les libéraux et les néo-démocrates, et appuyée par le Bloc québécois, menaçait de renverser le gouvernement minoritaire de Stephen Harper, nouvellement réélu, la réplique de Stéphane Dion à l'adresse à la nation avait fait les manchettes, non pas pour son contenu, mais pour sa piètre qualité visuelle... et sa diffusion en retard.