Le Directeur général des élections (DGE) a déclaré mardi qu'il serait exagéré de surveiller les entreprises pour éviter qu'elles contournent les règles de financement des partis politiques.

Marcel Blanchet a reconnu que le recours aux prête-noms constitue la principale faille de la loi électorale, mais il veut éviter que l'autorité chargée de la faire respecter se lance dans «une chasse aux sorcières».

«Je trouve que ce serait une mesure exagérée, a-t-il déclaré lors d'une entrevue téléphonique à La Presse Canadienne. Il y a peut-être d'autres moyens plus appropriés et moins retentissants de contrôler le financement politique. Je me vois mal commencer à faire la guerre aux compagnies.»

La semaine dernière, le père de la loi sur le financement des partis politiques, l'ancien ministre péquiste Robert Burns, a évoqué la possibilité de doter le DGE de plus de moyens, comme l'accès à la comptabilité des entreprises, afin de détecter si elles remboursent des dons à leurs employés, ce qui est illégal.

Selon M. Blanchet, de telles opérations pourraient avoir un effet négatif sur les contributions aux partis politiques.

«Dans la mesure où le DGE arrive avec ses gros sabots dans toutes les compagnies pour aller vérifier s'il y a du financement, on peut penser qu'effectivement, ça découragerait les individus travaillant là de contribuer, a-t-il dit. Ils auraient toujours peur qu'ils soient attaqués par ça (le fait d'avoir contribué).»

En vertu de la loi électorale, adoptée en 1977, il est interdit aux entreprises de faire des contributions politiques.

Seuls les électeurs sont habilités à le faire, pour un maximum de 3000 $.

Vendredi dernier, le DGE a amorcé des vérifications, à la suite de la diffusion d'un reportage dans lequel un ingénieur affirmait qu'un ancien employeur finançait des contributions politiques qu'il effectuait en son nom personnel.

L'Ordre des ingénieurs du Québec a indiqué mardi que des travaux sur ce genre de situation étaient en cours avant même la présentation de ce témoignage à Radio-Canada.

Peu avant d'être entendu par une commission parlementaire qui étudie des modifications aux règles de financement ainsi qu'à la carte électorale, mardi, M. Blanchet a affirmé que l'ampleur du recours aux prête-noms est difficile à évaluer.

Et le DGE constate que la preuve est compliquée à constituer, les condamnations étant tributaires de dénonciations, souvent d'anciens employés qui dévoilent les pratiques d'une entreprise.

«Ca ne peut pas être vraiment autre chose que ça, a-t-il dit. Comment voulez-vous qu'on ait des éléments de preuve pour amorcer une vérifications, une enquête, si on n'entend parler de rien?»

Même si aucune statistique n'a été compilée par le DGE pour avoir une idée de l'ampleur du phénomène, M. Blanchet a assuré que des prête-noms ont été condamnés grâce à la loi québécoise.

Les nombreuses allégations de financement douteux, qui se sont multipliées au cours des derniers mois, forcent cependant M. Blanchet à constater que les dispositions interdisant aux entreprises de faire des dons aux partis sont méconnues.

Afin de pallier à cette lacune, le DGE milite en faveur d'une nouvelle administration du crédit d'impôt sur les contributions politiques, par laquelle l'électeur devrait attester par écrit qu'il a versé son don volontairement et sans contrepartie.

Par ailleurs, en Chambre, l'opposition officielle s'est indignée du fait qu'un dirigeant d'une filiale d'un grand cabinet de génie-conseil, Christian Côté, ait organisé un cocktail de financement qui a permis à la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, de récolter 43 000 $ de contributions politiques, en octobre 2008, quelques semaines avant la dernière élection provinciale.

«Est-ce que le premier ministre se rend compte qu'en refusant la tenue d'une commission d'enquête, avec les informations que nous avons concernant même la vice-première ministre (Mme Normandeau), il accrédite totalement le fait qu'il protège ses amis à côté de lui plutôt que de défendre l'intérêt public?», a lancé le leader parlementaire péquiste, Stéphane Bédard.

Mme Normandeau s'est insurgée contre cette attaque de l'opposition, plaidant que M. Côté avait organisé le cocktail à titre personnel et non dans le cadre de ses fonctions pour la firme Dessau.

«Jamais je ne laisserai ni le député de Chicoutimi (...) remettre en question mon intégrité, a-t-elle dit. Depuis 1998, je siège ici à l'Assemblée nationale comme députée, j'ai la totale et entière confiance de mes électeurs.»

Alors que le DGE a amorcé, la semaine dernière, des vérifications pour s'assurer que M. Côté disposait du permis obligatoire pour solliciter financièrement des participants au cocktail, Mme Normandeau a pris soin de dire que l'organisateur était entouré, ce soir là, de personnes dûment mandatées pour ce faire.

«Il a été organisé, coordonné par Christian Côté, que je connais depuis 1998, entouré, accompagné de solliciteurs, a-t-elle dit. Et c'est précisément ce qui a expliqué que nous avons recueilli les sommes qui ont été rendues publiques.»