Gérard Latulippe ne se fait pas d'illusions sur le défi qui l'attend à la tête du centre Droits et Démocratie. «Je sais que ce sera très difficile», a-t-il reconnu au lendemain de sa confirmation au poste de président de cet organisme.

Joint par courriel en Haïti, où il termine son mandat pour le National Democratic Institute, M.Latulippe assure qu'il fera de son mieux pour aborder sa nouvelle tâche «d'une façon professionnelle, et non politique.»Mission délicate. Le centre Droits et Démocratie, dont le siège est à Montréal, vit une crise aiguë dont les multiples rebondissements font les manchettes depuis deux mois.

Le feuilleton a des dimensions judiciaires: trois cadres supérieurs congédiés cette semaine comptent poursuivre la direction intérimaire de l'organisme. Mais il a aussi des résonances politiques puisque tous les partis de l'opposition ont rejeté la candidature de Gérard Latulippe, qu'ils jugent inapte à sortir Droits et Démocratie de la tempête.

Nomination hyper-partisane et scandaleuse

Tenu de consulter les partis de l'opposition, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a confirmé sa décision par voie de communiqué, tard mardi soir, soulevant une colère unanime.

Le chef libéral, Michael Ignatieff, a qualifié la situation à Droits et Démocratie de «désastre sans fin».

«Ça nous montre le caractère du régime Harper, s'est-il indigné. Il demande l'avis des chefs des partis de l'opposition. Nous lui disons qu'une nomination hyper-partisane, c'est la pire chose à faire, parce que c'est l'hyper-partisanerie qui a placé cet organisme dans le marasme où il se trouve actuellement. Il n'écoute personne. Ils ont maintenant une organisation qui est en train de s'effondrer, avec un conseil d'administration en guerre contre les employés et une poursuite pour congédiement injustifié.»

Francine Lalonde, critique du Bloc québécois dans les dossiers internationaux, affirme avoir été «assez fâchée» en apprenant l'annonce du ministre Cannon. «Avec les événements des dernières heures, je croyais qu'il n'avait pas le choix et devait reconnaître que Gérard Latulippe ne peut pas être président d'un organisme de droits et démocratie», a-t-elle ajouté.

Elle faisait allusion aux récentes révélations sur le mémoire présenté par Gérard Latulippe devant la commission Bouchard-Taylor, dans lequel il associe l'immigration musulmane à la menace terroriste.

Même indignation du côté du NPD. «Je pense que c'est révélateur qu'ils aient confirmé la nomination en pleine nuit. Ils essayaient d'en faire l'annonce au moment où personne ne la verrait», a dit Paul Dewar, critique en matière d'affaires étrangères, que La Presse a joint par téléphone.

«Ce qu'on voit en ce moment, ce sont des actions délibérées des membres actuels du conseil d'administration qui font le ménage dans la maison avant l'arrivée de M.Latulippe. Ce sont des conservateurs nommés au conseil d'administration qui font le travail sale pour le gouvernement», a dit M.Dewar.

Le ministre Cannon a défendu sa décision, reprochant à l'opposition de «faire fi des compétences professionnelles impressionnantes de M.Latulippe».

Mais cette nomination ne fait pas des vagues uniquement au Parlement. Amnistie internationale ne comprend pas comment un homme qui a déjà défendu la peine de mort pourrait diriger un organisme qui y est fermement opposé. «La nomination de Gérard Latulippe est scandaleuse», déplore la porte-parole de cette ONG, Anne Sainte-Marie.

M. Latulippe devrait entrer en fonction vers la fin du mois.