L'hospitalisation aux États-Unis du premier ministre de Terre-Neuve, Danny Williams, soulève bien des questions à Ottawa... et à Washington.

La vice-première ministre de la province atlantique, Kathy Dunderdale, a confirmé hier matin que le chef du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador se trouve actuellement aux États-Unis, afin d'y subir, dans les prochains jours, une opération chirurgicale au coeur.

Sans préciser la nature de l'acte médical, Mme Dunderdale s'est contentée de dire que le premier ministre Williams s'était rendu aux États-Unis à la recommandation de ses médecins, et que subir l'opération dans la province n'avait «jamais été une option».

 

L'opération est «sérieuse», mais le pronostic est bon, a ajouté la vice-première ministre. M. Williams pourrait s'absenter de son poste de trois à 12 semaines.

Bien que les informations soient jusqu'à présent fragmentaires, il n'en fallait pas plus pour donner des munitions aux opposants à la réforme du système de santé proposée par le président américain Barack Obama.

Hier, la blogosphère a été envahie de commentaires, sur certains sites politiquement à droite, discréditant le système canadien de santé publique et vantant le statu quo aux États-Unis. Pour plusieurs, l'histoire du premier ministre révèle les faiblesses d'un système canadien vanté par les partisans de la réforme proposée par le président Obama.

Les Canadiens «préfèrent payer que d'attendre», peut-on lire sur redstate.com. Si le système canadien était si bon, pourquoi un premier ministre irait-il aux États-Unis se faire soigner? demandent plusieurs blogueurs.

Exactement la réaction que redoutait Maude Barlow, présidente nationale du Conseil des Canadiens.

«J'espère vraiment que certains groupes n'en profiteront pas pour affirmer que le système de santé canadien est inférieur. J'ai bien peur que c'est ce qui arrive, a souligné Mme Barlow. Notre système peut être amélioré, comme tous les systèmes, mais il n'est pas brisé. Et nous n'avons certainement pas besoin d'un système comme celui des États-Unis, où 50 millions d'Américains n'ont pas d'assurance pour les soins de santé.»

Grande défenderesse des soins de santé publics universels, Mme Barlow redoute que les partisans du privé n'utilisent cet exemple précis pour discréditer le système canadien.

«Nous ne savons pas pour quelle raison il se rend là-bas et, évidemment, il faudra lui demander ce qu'il ne pouvait pas recevoir comme soins, ici au Canada, a-t-elle soutenu, critique. On ne sait pas non plus qui va payer pour ses soins. Mais ce n'est pas nouveau que des Canadiens fortunés se rendent aux États-Unis. Par contre, ils n'ont pas besoin de le faire. Si c'est une opération sérieuse, ils peuvent avoir un excellent service ici.»

À Ottawa, ministres et députés de tous les partis, prudents, ont souhaité un prompt rétablissement à M. Williams. Mais la décision d'aller aux États-Unis soulève là aussi des questionnements.

«Si c'est quelque chose qu'on peut faire ici, ça donne un très mauvais exemple, a estimé le député du NPD Yvon Godin, sur les ondes de CTV. Ça envoie le message aux Canadiens que les pauvres ne peuvent pas recevoir des soins, mais les riches, oui. Et ça donne des arguments à ceux en faveur du privé en santé au Canada aussi.»

Selon M. Godin, ce n'est pas l'exemple que doit donner un premier ministre d'une province qui fait la promotion du système public.