Déterminés en début d'année à vouloir chasser Stephen Harper du pouvoir, voilà que quelque 12 mois plus tard néo-démocrates et libéraux semblent prêts à beaucoup de concessions pour appuyer le gouvernement et éviter des élections encore longtemps.

Le premier ministre a repris les rênes du Parlement en 2009, tandis que Michael Ignatieff est passé de sauveur du Parti libéral à la principale cause de sa dégringolade dans les sondages.

Contraint de faire des sacrifices en début d'année, pour survivre à la présentation de son budget, M. Harper avait cédé aux pressions du nouveau chef libéral, arrivé en poste quelques semaines plus tôt. Le premier ministre rendrait des comptes à l'opposition et présenterait des rapports d'étape sur l'état de l'économie, exposant chaque fois son gouvernement à un vote de censure.

M. Ignatieff a ainsi entamé son règne en pleine confiance, annonçant d'entrée de jeu que le gouvernement minoritaire était «en probation».

Conciliant malgré tout pendant ses premiers mois au gouvernail du parti, M. Ignatieff a finalement durci le ton. Après avoir reculé une première fois en juin, il annonçait début septembre qu'il renverserait les conservateurs à la première occasion.

Et ce serait justement cette attitude qui lui aurait coûté cher, selon ses opposants.

«Je pense que les Canadiens n'aimaient pas les choix qu'a faits M. Ignatieff. Comme de dire: 'M. Harper, votre temps est écoulé'. C'était un comportement assez arrogant», a estimé le leader néo-démocrate, Jack Layton.

À la suite d'un premier vote de censure perdu à l'automne, les libéraux ont été forcés de reculer et leur chef a dû se rendre à l'évidence: les Canadiens ne voulaient pas d'élections, ni de lui comme premier ministre. Dès lors, sa popularité n'a cessé de chuter dans les sondages.

«C'est sûr que les Canadiens ne voulaient pas d'élections en 2009. Ce que j'ai appris, c'est qu'il faut toujours sortir de la bulle médiatique d'Ottawa, sortir du caucus», a-t-il reconnu avec le recul, en entrevue avec La Presse Canadienne à sa résidence officielle.

Et pour ajouter aux malheurs du chef libéral, des crises intestines ont secoué le parti toute l'année. Outre ses députés divisés sur son leadership, M. Ignatieff a dû gérer les chicanes entre son ex-lieutenant politique, Denis Coderre, et son futur candidat d'Outremont, Martin Cauchon.

Si cet ancien professeur de Harvard avait une note à s'accorder? «Je dirais que ce jeune homme a du progrès à faire», avait répondu M. Ignatieff aux journalistes, mi-décembre.

Même si les crises se sont succédées aux Communes, (avec une pénurie d'isotopes médicaux, la grippe A (H1N1), la lutte aux changements climatiques et le dossier de la torture des détenus afghans, entre autres), M. Harper a toujours su obtenir l'appui d'au moins un des partis d'opposition.

Et le premier ministre a terminé l'année en dominant le Parlement et les sondages. Mais loin de lui concéder la victoire, le leader bloquiste avait sa propre explication.

«Est-ce que c'est le dollar canadien qui remonte, ou bien le dollar américain qui baisse? (...) En ce sens-là, je dirais qu'il (M. Harper) a profité (...) de la faiblesse des libéraux à l'échelle canadienne», a illustré Gilles Duceppe.

Sans grand coup d'éclat, le Nouveau Parti démocratique (NPD) a suivi la cadence aux Communes, ratissant à l'occasion dans les platebandes du Bloc en courtisant le Québec, et défendu ses dossiers traditionnels, menant d'autre part la bataille dans la saga des prisonniers afghans à l'automne.

Mais à la surprise générale, les troupes de Jack Layton se sont abstenues de voter pour renverser les conservateurs, en octobre, assurant ainsi la survie du gouvernement. Plaidant que les Canadiens ne voulaient pas d'élections, les néo-démocrates ont ainsi tenté de marquer des points dans la population. Reste à savoir si celle-ci s'en souviendra le moment venu.

Les élections anticipées ne seront que partielles

Si une nouvelle élection générale semblait assurée, début 2009, seules des partielles auront finalement secoué les bloquistes et rassuré les conservateurs.

Reprenant l'un de ses comtés néo-écossais, le Parti conservateur est également parvenu à voler le bastion de Montmagny-L'Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup du Bloc québécois.

Pourtant, au lendemain de l'élection générale de 2008, l'ancien directeur de campagne de M. Harper, Tom Flanagan, affirmait que les conservateurs devaient chercher à gagner le coeur des immigrants plutôt que des Québécois s'ils rêvaient d'une majorité.

«C'est un bel exemple qui démontre que les gens veulent avoir quelqu'un qui participe au gouvernement. Et je le répète, le Bloc n'a pas le monopole des valeurs québécoises», s'est expliqué le lieutenant du premier ministre pour le Québec, Christian Paradis.

M. Duceppe a de son côté soutenu avoir tiré des leçons de cet épisode, qu'il justifie par le fait que les électeurs n'aiment pas voir leur député abandonner son poste après quelques mois pour de nouveaux défis politiques.

Du côté libéral, autre revers, l'équipe a dû se contenter d'arriver troisième dans les quatre circonscriptions où se déroulaient des élections.

Le vent tourne pour le Parti conservateur

En fin d'année, l'équipe de M. Harper est partie en vacances à toute vitesse, se sauvant des dossiers chauds qui les encombraient aux Communes. Les scandales à Ottawa auraient d'ailleurs donné l'idée au premier ministre, selon les rumeurs, d'avoir recours à la même stratégie que 13 mois plus tôt; proroger la session parlementaire, pour ne reprendre les travaux qu'après les Olympiques.

La position des conservateurs au sommet sur le climat de Copenhague et les allégations de torture de détenus afghans ont jeté de l'ombre sur la réputation internationale du Canada. Si M. Harper semblait avoir réussi à faire tourner la vapeur, en sol canadien, le premier ministre risque d'avoir du rattrapage à faire pour redorer son image à l'étranger.