Le gouvernement fédéral doit examiner minutieusement l'offre d'achat d'Hydro-Québec de tous les actifs d'Énergie Nouveau-Brunswick parce que cela pourrait avoir de graves répercussions sur le commerce interprovincial et le commerce international, estime le sénateur conservateur Lowell Murray.

M. Murray, qui a été ministre des Affaires intergouvernementales sous Brian Mulroney de 1986 à 1991, a tenu ces propos au Sénat lundi. Il est le premier parlementaire d'Ottawa à exiger que le gouvernement se penche sur cette transaction qui soulève les passions au Nouveau-Brunswick.

 

En octobre, le premier ministre Jean Charest et son homologue du Nouveau-Brunswick, Shawn Graham, ont signé une entente permettant à Hydro-Québec de mettre la main sur les actifs d'Énergie Nouveau-Brunswick pour la somme de 4,75 milliards de dollars.

L'offre vise l'acquisition des sept centrales hydroélectriques d'Énergie Nouveau-Brunswick, de la centrale nucléaire de Point Lepreau une fois que sa réfection sera terminée, en 2011, et les infrastructures de distribution et de transport.

L'entente, qui fait l'objet d'audiences à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, doit être ratifiée avant le 31 mars 2010. Le Parti progressiste-conservateur, qui y forme l'opposition officielle, réclame un référendum sur cette question, mais le gouvernement libéral de Shawn Graham s'y refuse.

Selon le sénateur Murray, le gouvernement fédéral ne peut demeurer «indifférent» à cette transaction sans précédent, dans laquelle une société d'État d'une province passe sous le contrôle d'une société d'État d'une autre province.

Selon lui, le gouvernement du Nouveau-Brunswick est en train de céder à Hydro-Québec les pouvoirs qui lui permettent de régir la production, le transport et la distribution de l'électricité.

À l'instar du premier ministre de Terre-Neuve, Dany Williams, M. Murray craint qu'Hydro-Québec ne tente d'empêcher le Nouveau-Brunswick ou la Nouvelle-Écosse de vendre leur électricité aux États américains en haussant les tarifs sur les lignes de transport nouvellement acquises.

Dès la signature de l'entente, en octobre, M. Williams est parti en croisade contre ce qu'il estime être une prise de contrôle hostile d'Hydro-Québec, laquelle risque selon lui de devenir une menace pour l'unité canadienne.

«Permettez-moi de dire le plus objectivement possible que Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse ont toutes les raisons de s'inquiéter», a affirmé le sénateur Murray, natif de New Waterford, en Nouvelle-Écosse.

Si le gouvernement du Québec, par l'entremise de sa société d'État, se livrait à de telles manoeuvres, le gouvernement fédéral aurait le pouvoir d'intervenir en vertu de la Loi constitutionnelle de 1982, pour corriger cet «abus de pouvoir» qui aurait pour effet de faire obstacle aux exportations d'électricité d'une région du pays vers une autre.

Le sénateur a aussi rappelé que le protocole d'entente prévoit qu'Hydro-Québec deviendra propriétaire de toutes les lignes actuelles et futures de transport d'électricité vers la Nouvelle-Angleterre et aura le contrôle de celles-ci, ainsi que d'importantes lignes de transport vers New York.

«Ce serait un euphémisme de dire que le Québec aura augmenté considérablement son emprise sur le marché. Dès la signature du protocole d'entente, des importateurs d'électricité de la Nouvelle-Angleterre ont exprimé leurs préoccupations concernant l'utilisation de cette nouvelle position de force sur le marché», a-t-il affirmé.

«Il y a d'abord la question du commerce interprovincial; ensuite, celle du commerce international; puis la question constitutionnelle plus large consistant à déterminer si le Nouveau-Brunswick est, dans les faits, en train de transférer une partie de sa compétence législative au Québec et si cela est approprié», a aussi dit M. Murray.

Hydro-Québec n'a pas voulu commenter cette sortie du sénateur Murray hier. Jusqu'ici, le gouvernement Harper a observé le plus grand mutisme dans ce dossier, malgré les récriminations du premier ministre Dany Williams.