Après quatre ans de relations diplomatiques difficiles, le premier ministre Stephen Harper aura beaucoup à faire pour rattraper le temps perdu et renouer des liens avec la Chine, estiment des spécialistes de la question chinoise.

«Les relations, ça prend beaucoup de temps à construire, mais ça prend un clin d'oeil à détruire, soutient le politologue spécialiste de la Chine Loïc Tassé. C'est évident qu'il va essayer de payer les pots cassés. Sans aucun doute. Sinon il n'irait pas.»

 

Selon lui, les liens entre le Canada et la Chine, après 36 ans de bonnes relations, se sont passablement détériorés depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement conservateur de Stephen Harper.

Le refus de M. Harper de se rendre en Chine plus tôt, - il n'y est pas allé de tout son premier mandat -, et les propos durs tenus régulièrement à l'égard de l'empire du Milieu sur la question des droits de la personne ont, explique M. Tassé, surpris les dirigeants chinois.

«Ç'a vraiment été comme une gifle diplomatique», dit-il.

Le critique libéral en matière d'affaires étrangères, Bob Rae, estime lui aussi que M. Harper a failli à la tâche.

«Est-ce que c'est possible de rattraper un peu la situation? Je dirais que oui. Mais ça exige une persistance de la part du premier ministre, que, franchement, on n'a pas vue», explique M. Rae. Ancien premier ministre de l'Ontario, le député libéral fédéral s'est lui-même rendu trois fois en Chine pour des visites officielles, dont une fois avec l'ancien premier ministre Jean Chrétien - qui lui y est allé six fois en dix ans.

Au Conseil commercial Canada-Chine, le président, Peter Harder, pousse un soupir de soulagement.

«C'est une visite de la plus haute importance. La communauté d'affaires pressait le premier ministre de se rendre en Chine depuis des années, a indiqué M. Harder. C'est son deuxième voyage en Asie ce mois-ci, ça démontre un certain niveau d'engagement personnel.»

M. Harder croit que, sur le long terme, le rétablissement de bonnes relations avec la Chine pourra déboucher sur des occasions d'affaires, notamment en logistique du transport, dans les nouvelles technologies ou encore dans le domaine de l'énergie. Et même si le Canada revient de Chine sans un seul partenariat, traité ou entente, ce ne sera pas selon lui un échec pour autant.

«Le résultat le plus important de cette visite sera la visite comme telle», estime sans hésiter M. Harder.

Pour M. Rae, la conclusion d'un «pacte sur l'énergie et l'environnement» serait une issue positive au voyage officiel du premier ministre. «Avec les nouvelles technologies que nous avons à offrir à la Chine, je crois que c'est absolument essentiel», souligne le député libéral.

Un autre dossier qui pourrait progresser, selon Loïc Tassé, est celui de la reconnaissance du Canada comme une destination approuvée par le gouvernement chinois, une annonce que l'industrie touristique canadienne attend depuis longtemps.

Mais pour le sinologue, il y a aussi, derrière ce premier voyage du premier ministre en Chine, des motifs plus électoralistes.

«Il y a plus d'un million de Canadiens d'origine chinoise. C'est beaucoup d'électeurs. C'est très important pour M. Harper de montrer qu'il rétablit les ponts avec la Chine continentale», conclut M. Tassé.

Première bonne nouvelle

Au moment même où Stephen Harper se trouvait à bord d'un avion en direction de la Chine, la première bonne nouvelle de ce premier voyage officiel dans l'empire du Milieu est survenue. Le gouvernement conservateur a annoncé, hier, aux Communes à Ottawa, que la Chine acceptait de mettre fin à l'embargo qui frappait les exportations canadiennes de porc depuis l'éclatement de la grippe A (H1N1) au printemps.

 

Le Canada et la Chine

Il s'agit du premier voyage officiel de Stephen Harper en Chine, après presque quatre ans au pouvoir. Toutefois, une douzaine de ministres du gouvernement Harper ont visité la Chine depuis 2006 dans le cadre de rencontres ministérielles bilatérales.

L'ancien premier ministre libéral Jean Chrétien avait quant à lui visité le pays six fois en dix ans, dont à deux occasions à la tête d'une mission commerciale d'Équipe Canada. Son successeur, Paul Martin, s'y est rendu en janvier 2005, au milieu de son mandat qui n'a duré que deux ans. Le premier ministre du Québec, Jean Charest, est déjà allé deux fois en Chine depuis 2003.

 

40 ans de liens diplomatiques

Les relations diplomatiques entre le Canada et la Chine fêteront leur 40e anniversaire l'an prochain. Le Canada a été un des premiers pays à reconnaître diplomatiquement la République populaire de Chine, en 1970, soit avant les États-Unis. Le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau négociait à cet effet avec les dirigeants chinois depuis 1968. Les deux pays ont implanté des missions commerciales permanentes dès 1971 et le premier ministre Trudeau s'y est par la suite rendu pour sa première visite officielle en 1973.

Source: Gouvernement du Canada

 

Quelques chiffres

> Échanges commerciaux bilatéraux: 53,1 milliards en 2008 (une hausse de 11% par rapport à 2007)

> Exportations canadiennes de marchandises vers la Chine: 10,5 milliards de dollars en 2008 (4e marché d'exportation)

- Importations canadiennes en Chine: 42,6 milliards en 2008 (2e pays après les États-Unis)

Sources: Industrie Canada, Affaires étrangères et Commerce international Canada