La controverse entourant la décision du ministère des Travaux publics d'acheter des épinglettes représentant le drapeau du Canada fabriquées en Chine continue de faire couler de l'encre à Ottawa.

Non seulement ces épinglettes qu'utilisent les députés de la Chambre des communes pour remettre à leurs commettants sont-elles fabriquées à des milliers de kilomètres du Canada, mais elles sont aussi de la mauvaise couleur - un rouge plutôt rosé, au lieu du rouge foncé habituel, a-t-on appris hier.

 

Le NPD, qui critique le gouvernement Harper depuis plusieurs mois dans ce dossier hautement symbolique et qui refuse de distribuer les épinglettes à qui que ce soit, estime qu'il s'agit d'une autre preuve de l'incurie du ministère des Travaux publics en ce qui a trait à la protection des emplois au pays.

Hier, les députés néo-démocrates Thomas Mulcair et Charlie Angus ont organisé une conférence de presse à Ottawa en compagnie de Conrad Lapierre, le propriétaire d'une petite entreprise familiale à Rivière-des-Prairies, CFGL Métaux, qui se spécialise dans la fabrication d'épinglettes de toutes sortes.

M. Lapierre, qui emploie une quinzaine de personnes dans sa petite usine, s'est dit outré de voir que des contrats de cette nature sont accordés à des entreprises établies à l'étranger. Vendredi, M. Lapierre a été contraint de mettre à pied quatre employés faute de nouveaux contrats.

«J'ai été surpris d'apprendre que le gouvernement fédéral, qui dépense des dizaines de millions de dollars pour créer des emplois dans l'industrie automobile, dans les infrastructures, dans une période économique aussi difficile, ne fasse pas un petit effort pour aider les petites entreprises. On ne demande même pas de subvention. On demande tout simplement qu'on nous accorde les contrats», a dit M. Lapierre.

L'entreprise de M. Lapierre fabrique à l'heure actuelle les épinglettes de la Ville de Montréal et celles des équipes de la Ligue de hockey junior majeur du Québec.

«C'est terrible que des objets aussi simples que des épinglettes soient fabriqués en Chine. En ce qui me concerne, il faut acheter chez nous d'abord. C'est une question de crédibilité pour nos gouvernements. C'est terrible. C'est honteux. Cela ne devrait même pas arriver», a ajouté M. Lapierre, qui croit que cette situation alimente le cynisme des gens à l'égard du gouvernement.

En avril, le NPD avait révélé que le gouvernement fédéral avait acheté des épinglettes de l'unifolié fabriquées par l'entreprise chinoise Xiamen Gaoxu Co. Ltd. alors que des milliers de Canadiens travaillant dans le secteur manufacturier avaient perdu leur emploi. Le contrat de 225 000$ a été accordé par Travaux publics à une société à numéro près de Montréal, qui a par la suite commandé des dizaines de milliers d'épinglettes de l'entreprise chinoise.

Selon M. Lapierre, sa société aurait pu créer cinq nouveaux emplois si elle avait obtenu ce fameux contrat.

En matinée, MM. Mulcair et Angus ont visité l'usine de M. Lapierre dans la région de Montréal. En conférence de presse, M. Mulcair a affirmé que le ministère des Travaux publics doit rectifier le tir le plus rapidement possible.

«Il y a quand même une limite à rire du monde en pleine crise économique. On n'a rien trouvé de mieux que de commencer à exporter des jobs pour fabriquer le drapeau du Canada. Il faut le faire», a dit M. Mulcair.

Il y a deux semaines, La Presse a révélé que le ministère des Travaux publics avait songé à accorder les fameux contrats pour fabriquer les épinglettes à CORCAN, l'organisme qui supervise le programme de travail et de formation des détenus dans des pénitenciers fédéraux. Toutefois, cette option a été écartée parce que CORCAN aurait dû faire des investissements de près de 2 millions de dollars pour être en mesure de fabriquer les épinglettes.