Les factures s'accumulent et les coûts continuent de grimper. Mais la Gendarmerie royale du Canada (GRC) tarde à déposer des accusations contre d'autres acteurs du scandale des commandites. Sept ans après l'éclatement de ce scandale, les contribuables continuent donc de payer la note.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a dépensé près de 12,5 millions jusqu'ici pour enquêter sur ce scandale politico-financier dans le cadre de son projet Carnegie depuis 2002, démontrent des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Cette somme comprend essentiellement les salaires des enquêteurs affectés à ce dossier (10,5 millions) ainsi que leurs heures supplémentaires (900 000$). Environ 900 000$ ont été utilisés pour rembourser les dépenses des limiers.

Près de la moitié de ces coûts ont été engendrés durant l'exercice financier de 2005-2006, année où a été publié le fameux rapport du juge John Gomery sur le scandale des commandites. Un porte-parole de la GRC, le sergent Luc Bessette, a indiqué hier que la GRC poursuit toujours son enquête.

«Quel que soit le type d'enquêtes criminelles, nous avons le devoir, lorsque nous les entreprenons, de produire la preuve la plus complète possible et prouver qu'il y avait eu une intention criminelle de commettre ces gestes répréhensibles. Ce sont des enquêtes complexes et ardues qui exigent rigueur et expertise», a expliqué le sergent Bessette.

Selon des informations obtenues par La Presse au cours des derniers jours, des enquêteurs de la GRC se sont entretenus avec l'ancien ministre des Travaux publics responsable du programme des commandites, Alfonso Gagliano, en juin.

Les policiers lui auraient posé quelques questions au sujet de Luc Lemay, propriétaire de Polygone, une entreprise qui a reçu des dizaines de millions de dollars en contrats de commandites, et de Jacques Corriveau. M. Corriveau, un militant libéral de longue date, a été décrit comme le chef d'orchestre du système de ristourne mis sur pied pour détourner de l'argent du programme de commandites au profit du Parti libéral.

Doté d'un budget total de 250 millions de dollars, le programme des commandites a été mis sur pied par le gouvernement Chrétien dans la foulée de la courte victoire du Non au référendum de 1995 au Québec. L'objectif de ce programme était d'augmenter la visibilité du gouvernement fédéral au Québec en accordant des commandites à des festivals et des événements sportifs.

Mais Ottawa avait recours à des agences de publicité pour transférer l'argent aux destinataires et elles empochaient de généreuses commissions ou des honoraires importants même si leur travail était souvent limité. Et ces agences contribuaient ensuite à la caisse du Parti libéral.

Les policiers de la GRC n'ont pas été les seuls à fouiller cette affaire. Des enquêteurs de la Sûreté du Québec ont également été appelés à examiner certains éléments de ce scandale, dont une commandite de trois millions de dollars versée à la GRC dans le cadre de la célébration du 125e anniversaire du corps policier.

La facture totale n'est pas encore connue pour la SQ. En octobre 2006, on évaluait les coûts à 2,3 millions de dollars. La Presse a aussi demandé une mise à jour des coûts de l'enquête en soumettant une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, mais le corps policier a refusé de les divulguer. La Presse a contesté cette décision devant le commissaire responsable de l'application de cette loi et attend une décision de ce dernier.

Mais une porte-parole de la SQ, Joyce Kemp, a confirmé hier que les enquêteurs de la SQ ont terminé leur enquête sur le programme de commandites depuis décembre 2008 et qu'ils ont remis le fruit de leur travail au procureur général du Québec depuis plusieurs mois.

À tous ces coûts il faut ajouter ceux liés aux travaux de la commission d'enquête du juge Gomery (environ 30 millions), les faramineux frais des avocats et des témoins devant cette commission (trois millions) ainsi que les frais pour défendre le rapport du juge Gomery en Cour fédérale, dont les conclusions ont été contestées par Jean Chrétien, Jean Pelletier et Alfonso Gagliano.

Jusqu'ici, une poignée d'individus ont été accusés de fraude et de complot pour fraude et condamnés à la prison, dont Chuck Guité, le directeur du programme des commandites (42 mois), Jean Brault, ancien président de la firme Groupaction (30 mois), Jean Lafleur, de Lafleur communications (42 mois), Paul Coffin, de Communication Coffin (18 mois). Ils ont été libérés après avoir servi un sixième de leur peine.

En décembre 2008, la GRC a déposé 19 accusations de fraude contre Gilles-André Gosselin, président de Gosselin Communications.

Le gouvernement fédéral a intenté des poursuites civiles contre certaines agences de publicité qui ont obtenu des sommes importantes dans le cadre du programme de commandites mais sans effectuer beaucoup de travail. L'une de ces entreprises visées est Polygone, à qui Ottawa réclame 35 millions de dollars.

Ayant purgé sa peine, Chuck Guité a dit hier ne pas comprendre que des hommes politiques n'aient pas encore été arrêtés dans le cadre de ce scandale.

«Ce n'est pas croyable les coups de cochons qu'ils m'ont faits, les politiciens. C'est une gang de bandits et ils blâment toujours les fonctionnaires», a dit M. Guité à La Presse.

Même si sa peine est terminée, il doit se soumettre à des conditions. «Je suis en probation. Je ne peux pas sortir du pays, même de la province de l'Ontario sans permission avant janvier 2012», a-t-il dit.

Avec William Leclerc