L'ex-premier ministre Jean Chrétien a le pas léger par les temps qui courent. Alors que la reine le fait entrer dans un club très sélect, des militants libéraux se prennent à rêver à l'époque où leur chef enchaînait les majorités.

«C'est un beau couronnement!»Jean Chrétien a ainsi résumé ses sentiments, hier à La Presse, après avoir reçu la médaille de l'Ordre du mérite des mains de la reine Élisabeth II au palais de Buckingham.

L'ancien premier ministre et sa famille ont été accueillis par la reine en privé pendant une quinzaine de minutes. M. Chrétien a fait rire la monarque en rappelant quelques moments cocasses de leur collaboration de près de 40 ans.

Le «p'tit gars de Shawinigan» est devenu le premier Québécois à recevoir cet honneur, un gage de l'estime de la reine qui choisit personnellement les 24 membres de ce club sélect. Seuls trois autres Canadiens ont été récompensés par la reine par le passé, dont les anciens premiers ministres Lester B. Pearson et William Lyon Mackenzie King, ainsi que le neurochirurgien Wilder Penfield, fondateur de l'Institut de neurologie de Montréal.

Jean Chrétien avait le pas léger quand il a rencontré La Presse à la Maison du Canada, à côté de Trafalgar Square.

«Si vous regardez la liste des récipiendaires, des Prix Nobel ont aussi été récompensés, comme mère Teresa et Nelson Mandela. Alors c'est... flatteur», a-t-il confié, à la fois fier et modeste.

«Je la fais rire»

L'ancien premier ministre couronne avec l'Ordre du mérite une carrière de 40 ans en politique. Aujourd'hui avocat chez Heenan Blaikie, M. Chrétien ne cachait pas le plaisir que lui procurait la médaille qu'il tenait enfermée dans un écrin. Lorsqu'on lui demande de la montrer, il plaisante: «Je refuse!» avant de s'exécuter.

L'ancien haut-commissaire du Canada au Royaume-Uni, Mel Cappe, a affirmé l'été dernier que la reine lui demandait régulièrement des nouvelles de Jean Chrétien. Ce dernier a rappelé hier toutes les fois où leurs chemins se sont croisés lors de cérémonies officielles.

«On m'a fait remarquer qu'elle sourit beaucoup sur nos photos. Je devais la faire rire», dit-il avec bonhomie.

Il l'a encore fait rigoler hier en lui rappelant leur séjour de quatre jours dans le Nord canadien avec leurs familles en 1970. À l'inauguration d'un monument, il avait chanté l'hymne national en français. Malheureusement, les 3000 spectateurs connaissaient seulement la version anglaise.

«J'ai donc fait un solo avec ma voix horrible pour la reine et sa famille», conclut-il.

Avec cet honneur et un travail qui le fait voyager partout dans le monde, Jean Chrétien semble en état de grâce ces jours-ci. «Je suis en bonne santé, je voyage beaucoup et j'aime ça», résume-t-il, avant de repartir avec le même pas léger qu'à son arrivée.