La Monnaie royale canadienne a accordé au printemps un contrat de 360 000 $ au cabinet Deloitte et Touche pour l'aider à retracer les 15,3 millions de dollars en lingots d'or disparus de ses coffres en 2008.

Après avoir passé au peigne fin les bilans financiers de la Monnaie royale, le cabinet Deloitte et Touche a conclu, dans un rapport de 58 pages rendu public à la fin juin, que la société d'État n'avait pas commis... une erreur de comptabilité et que la piste du vol devait être sérieusement envisagée.

Le hic, c'est que le gouvernement Harper avait déjà demandé à la GRC, deux semaines plus tôt, d'enquêter sur ce qui semblait être le plus important vol commis à la Monnaie royale canadienne. La GRC poursuit d'ailleurs son enquête dans cette affaire, a-t-on confirmé à La Presse hier.

«Scandaleux»

«C'est scandaleux», a lancé hier le député libéral Joe Volpe lorsqu'il a été invité à commenter les coûts du contrat accordé à la firme Deloitte et Touche par les dirigeants de la société d'État.

La Presse a obtenu les coûts de ce contrat en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

«C'est scandaleux parce que le gouvernement Harper était au courant depuis longtemps du vol des lingots d'or. Il a quand même demandé à Deloitte et Touche d'examiner s'il y avait un vol ou non et après cela le ministre responsable (Rob Merrifield) a indiqué qu'il avait demandé à la GRC d'enquêter», a affirmé M. Volpe.

Selon le député libéral de la région de Toronto, qui a talonné le gouvernement Harper dans ce dossier au printemps, toute cette affaire a terni la réputation de la société d'État non seulement au pays, mais aussi à l'étranger. Il a dit avoir reçu des courriels de gens de la Nouvelle-Zélande qui se réjouissaient des déboires de la Monnaie royale canadienne.

C'est que la Monnaie royale canadienne a réussi au fil des ans à décrocher de nombreux contrats pour frapper la monnaie d'autres pays. En 2007, par exemple, elle a vendu 2,2 milliards de dollars de pièces à 12 pays.

«Quand on parle de 360 000 $, c'est encore plus scandaleux parce que les employés de la Monnaie royale auraient dû être en mesure de faire ce travail eux-mêmes. Ce travail aurait dû être fait à l'interne», a affirmé M. Volpe.

Dans son rapport, la firme Deloitte et Touche a indiqué qu'il manquait 17 500 onces troy d'or, soit environ 0,32 % de la production de la Monnaie royale pour l'exercice financier 2008. «Cet écart se manifeste par le fait que les registres des stocks indiquent qu'une quantité plus importante d'or devrait être en stock que ce qu'ont donné les résultats de l'inventaire physique. De plus, la Monnaie royale canadienne a également relevé un écart non comptabilisé dans les quantités d'argent», peut-on lire dans le rapport de Deloitte et Touche.

La firme recommandait à la société d'État de procéder à une revue de ses opérations techniques et à un examen comptable des autres exercices financiers. Enfin, elle recommandait aux dirigeants de la Monnaie royale de rehausser les mesures de sécurité.

Avant d'être éclaboussée par cette affaire, la Monnaie royale effectuait l'inventaire de ses stocks de métaux précieux deux fois par année.

En juin, le président de la société d'État, James Love, avait jugé l'hypothèse d'un vol comme peu probable compte tenu des importants dispositifs de sécurité à la Monnaie royale. Des agents de la GRC sont en effet postés devant l'usine de production de Winnipeg et scrutent les moindres allées et venues.

M. Love avait alors évoqué l'idée qu'un simple pépin de programmation dans un nouveau système informatique puisse expliquer pourquoi la Monnaie royale avait perdu la trace de lingots d'or.

«Tous les employés qui entrent et sortent changent de vêtements. Ils doivent traverser des détecteurs de métal à leur entrée dans l'installation et lorsqu'ils en sortent. Il est difficile de comprendre comment une personne pourrait quitter l'édifice avec une seule once d'or», avait-il dit.

- Avec William Leclerc