Les libéraux fédéraux ont été de l'avant avec leur souhait de renverser le gouvernement minoritaire de Stephen Harper et ont déposé lundi après-midi une motion de censure au Parlement. Mais leur projet pourrait être rapidement court-circuité par les néo-démocrates, dont l'appui aux conservateurs semble de plus en plus assuré.

A sa sortie des Communes, le leader du Nouveau Parti démocratique, Jack Layton, a refusé de se prononcer sur les intentions de vote de son parti, tant que ses troupes n'auront pas évalué la motion des libéraux. Mais le chef a réitéré que son parti préférait faire adopter de nouvelles mesures d'aide aux chômeurs, plutôt que d'aller en élections.

Un projet de loi déposé il y a 10 jours par les conservateurs prévoit prolonger de cinq à 20 semaines les prestations d'assurance-emploi des travailleurs de longue date. La mesure, au coût de 935 millions $, viendrait en aide à 190 000 chômeurs, selon les conservateurs.

«Si on peut aider des milliers de gens avec un milliard de dollars, d'après moi on doit le faire, parce que nous l'avons demandé. (...) Nous allons travailler très fort pour atteindre cet objectif», a plaidé M. Layton.

Les troupes néo-démocrates tiennent cependant à faire planer le mystère, en soulignant que plusieurs options demeurent sur la table. Le caucus se consultera et une décision pourrait être annoncée dès mardi, selon l'attaché de presse du parti, Marc-André Viau. Mais au parti, on concède malgré tout qu'un scrutin automnal demeure fort peu probable.

Même si l'appui des néo-démocrates au gouvernement semblait presque garanti, les libéraux ont néanmoins décidé de se lancer dans un processus qui pourrait se solder par la chute du gouvernement, le jour même où le premier ministre Stephen Harper déposait son troisième rapport d'étape du plan de relance économique.

Ces bilans trimestriels étaient une condition imposée en juin par les libéraux en échange de la survie du gouvernement conservateur. Mais le document n'a pas semblé satisfaire le leader libéral. Michael Ignatieff a cité au passage l'explosion du déficit fédéral depuis le dernier budget en janvier - qui atteint maintenant 56 milliards $ -, et la hausse du taux de chômage, notamment chez les jeunes.

«Nous sommes fatigués de ce genre de jeux politiques. Nous voulions une réelle imputabilité, un gouvernement qui dit la vérité aux Canadiens. Nous en avons assez, et donc nous allons déposer aujourd'hui (lundi) une motion de censure très simple qui dit que ce parti, le Parti libéral du Canada, ne peut pas continuer d'avoir confiance dans le gouvernement», a expliqué M. Ignatieff après la période des questions.

Le premier ministre a cependant dénoncé que le Parti libéral s'oppose au bilan économique avant même de l'avoir consulté, qualifiant du même souffle le leader libéral d'irresponsable.

«C'est dommage, je crois que les Canadiens s'attendent à mieux, à ce qu'en temps de difficultés économiques les membres du Parlement de tous les partis travaillent fort en matière d'économie, et non à ce qu'ils jouent à ce genre de jeux politiques», a dit M. Harper.

La motion des libéraux, qui a été déposée lundi après-midi, stipule seulement «Que la Chambre a perdu confiance dans le gouvernement». Avec une question aussi simple, il sera difficile pour le NPD de justifier son appui au gouvernement, formé par un parti à l'opposé sur l'échiquier politique.

De son côté, le Bloc québécois devrait voter en faveur de la motion, puisque son chef Gilles Duceppe clame depuis des semaines qu'il n'a aucune confiance dans le gouvernement de M. Harper.

L'appui d'un seul parti suffit au gouvernement conservateur pour assurer sa survie. La motion de défiance sera débattue jeudi et le vote pourrait se tenir le jour même ou lundi prochain.

«Nous ne donnerons pas notre confiance à ce gouvernement pour leur travail, surtout pas pour ce plan», a lancé M. Duceppe, en faisant référence au bilan économique.

Le premier ministre Harper n'était quant à lui pas présent en Chambre, lundi, puisqu'il se trouvait au Nouveau-Brunswick avec son ministre des Finances, Jim Flaherty, pour rendre public son rapport d'étape sur les effets de son plan de relance économique.

La décision de M. Harper d'en faire l'annonce à l'extérieur du Parlement a d'ailleurs été critiquée par les libéraux et les bloquistes, qui y voient un manque de respect.

«C'est très typique du gouvernement quant à son approche de la Chambre des communes. Les conservateurs sont antidémocratiques, ils ne tolèrent pas les voix dissidentes, ils tentent de les faire taire», a déploré le député libéral David McGuinty, en début de journée.

«C'est un mépris de plus de M. Harper pour les institutions. Il a un mépris de l'ONU, il a un mépris du Parlement», a pour sa part accusé M. Duceppe.

Le ministre des Transports, John Baird, avait expliqué dimanche que son chef dévoilerait son rapport d'étape à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, parce qu'il souhaitait s'adresser aux Canadiens ordinaires.