Le gouvernement Harper risque de mettre en péril les programmes sociaux importants comme la santé, l'éducation ou le régime de pensions s'il ne reprend pas le contrôle des finances publiques, estime le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff.

Le déficit est un boulet qui doit être éliminé dès que la reprise économique sera bien engagée, a affirmé le chef libéral dans une entrevue accordée hier à La Presse.

Dans son dernier budget déposé en janvier, le ministre des Finances, Jim Flaherty, avait estimé le déficit à 34 milliards de dollars pour l'exercice financier en cours. Mais le ministre a été contraint de revoir le déficit à 50 milliards en mai et à 56 milliards au début du mois de septembre.

M. Ignatieff promet de préciser comment un gouvernement libéral viendrait à bout de ce boulet durant la campagne

électorale. Selon lui, il ne suffit pas d'avoir un plan de relance économique pour sortir le gouvernement fédéral de l'ornière des déficits. Il faut aussi une stratégie qui va encourager la croissance soutenue de l'économie.

«Nous sommes dans une récession. J'espère vivement qu'on va commencer à remonter à la surface. Mais cela requiert un gouvernement avec une stratégie pas seulement de relance, mais aussi de croissance. Ce qui me préoccupe le plus, c'est le déficit. Nous sommes en déficit de près de 60 milliards de dollars. Cela met à risque la capacité du Canada de maintenir les soins de santé, de maintenir nos pensions. Ce n'est pas une chose abstraite, un déficit», a affirmé M. Ignatieff.

«Nous avons laissé aux conservateurs un surplus de 13 milliards de dollars (en 2006). Mais ils nous ont menés au bord du déficit avant même le début de la récession. Maintenant, le déficit est à 60 milliards. C'est fort possible que nous serons à 65 milliards à Noël. Cela met en danger tout le progrès social que nous avons accompli depuis les 20 dernières années», a-t-il ajouté.

À l'occasion d'un discours devant le Canadian Club de Toronto, lundi, M. Ignatieff détaillera les politiques économiques qu'il envisage s'il gagne les élections.

Mais d'ores et déjà, M. Ignatieff écarte toute forme de hausse des impôts ou des taxes comme moyen de juguler le déficit. Pas question non plus de sabrer dans les transferts aux provinces, comme le gouvernement libéral de Jean Chrétien l'avait fait dans les années 90, pour rétablir l'équilibre budgétaire à Ottawa.

Le gouvernement Harper écarte aussi toute hausse des impôts et des taxes ou toute réduction dans les paiements de transferts. Il table surtout sur la reprise de la croissance économique et la fin des mesures de relance du gouvernement pour mettre de l'ordre dans les finances de l'État. Selon les dernières projections du ministre Jim Flaherty, le déficit devrait être éliminé d'ici 2015.

«L'élimination du déficit est l'enjeu capital de la politique canadienne pour les années à venir. Il faut élaborer une stratégie très concrète de croissance économique. Je ne veux pas éviter les questions difficiles. Les conservateurs nous ont mis dans un trou sans précédent. Chaque choix sera difficile», a dit le chef libéral.

M. Ignatieff a soutenu qu'il ne fait pas de promesse en l'air lorsqu'il s'engage à ne pas augmenter le fardeau fiscal des Canadiens. Il a dit croire qu'une hausse des impôts pourrait faire dérailler la croissance une fois que les effets des milliards de dollars investis par les gouvernements pour stimuler l'économie s'estomperont.

Chose certaine, le Canada doit conquérir de nouveaux marchés s'il veut créer de nouveaux emplois, outre les exportations vers les États-Unis, selon M. Ignatieff. C'est pourquoi le chef libéral propose de remettre sur pied des missions commerciales en Chine, en Inde et dans les pays émergents, qui avaient été la marque de commerce du gouvernement Chrétien. Ces missions ont été abandonnées par le premier ministre libéral Paul Martin en 2004.

«Négliger l'Inde et la Chine, comme l'ont fait les conservateurs depuis quatre ans, cela a de lourdes conséquences», a dit M. Ignatieff.