Les criminels à cravate sont dans la ligne de mire des partis politiques fédéraux, mais ils ne s'entendent pas sur la façon de serrer la vis contre les Vincent Lacroix et autres Earl Jones de ce monde.

Le Bloc québécois a déposé lundi un projet de loi pour abolir la libération des criminels au sixième de leur peine, mais les conservateurs veulent reprendre le contrôle sur ce dossier et ont présenté mardi les grandes lignes de leur propre projet de loi.

Ainsi, ce n'est pas à l'enjeu de la libération avant la fin de la sentence que le gouvernement souhaite d'abord s'attaquer, mais plutôt aux peines qu'il juge trop clémentes.

Au cours de la prochaine session parlementaire, le ministre de la Justice Rob Nicholson déposera donc un projet de loi pour instaurer des peines minimales destinées à ceux qui commettent une fraude grave et introduira des dispositions sur des circonstances aggravantes justifiant des peines plus longues.

«Les Canadiens perdent confiance dans le système de justice quand ils ont l'impression que la punition n'est pas à la hauteur du crime», a expliqué le ministre Nicholson en conférence de presse.

Or, les bloquistes se sont traditionnellement opposés aux sentences minimales car elles affaiblissent selon eux le pouvoir discrétionnaire des juges.

Mais les conservateurs ne sont pas de cet avis, et le lieutenant politique des conservateurs pour le Québec, Christian Paradis, a d'ailleurs haussé le ton envers le parti du Gilles Duceppe.

«Soyons clairs: si le Bloc tente encore une fois de faire dérailler ou de retarder l'adoption de nos projets de loi pour rétablir la justice aux victimes des crimes, on n'hésitera pas une seconde pour (...) dénoncer leur incohérence dans ce dossier», a-t-il lancé.

En Chambre, il a également attaqué le projet de loi bloquiste, le qualifiant «d'improvisé» et «d'incomplet». Cela a fait bondir M. Duceppe, qui juge inacceptable que les conservateurs s'y opposent.

«Aujourd'hui, (le Parti conservateur) tente simplement de faire de la démagogie et faire de la politique sur le dos des victimes plutôt que d'agir (...). Plutôt que de jouer le shérif de Nottingham, le ministre de la Justice devrait se tenir debout», a-t-il lancé à la sortie de la période de questions.

Libéraux et néo-démocrates ont eux-aussi critiqué l'approche des conservateurs, notamment le fait de tenir une conférence de presse sur les criminels en cravate alors que leur projet de loi n'est pas encore prêt.

Pour le libéral Dominic LeBlanc, les conservateurs devraient agir plutôt que de se livrer à des opérations médiatiques du genre.

«Le gouvernement conservateur ne manque jamais une occasion de prétendre qu'il est en faveur des mesures criminelles renforcées (...). Je trouve qu'il manque le bateau en n'investissant pas dans des mesures qui vont plus prévenir ce genre d'activité de fraude», a-t-il avancé.

Son collègue du Nouveau Parti démocratique (NPD), Joe Comartin, doute quant à lui de l'efficacité des mesures proposées par les conservateurs.

«C'est absolument nécessaire de protéger les victimes. La réponse du gouvernement, comme de coutume, c'est d'augmenter les peines. C'est trop facile, ça ne marche pas comme ça. Ca ne va pas changer la conduite des criminels», a-t-il fait valoir.

Coalition des victimes

Plus tôt en journée, les victimes de différents fraudeurs s'étaient réunies sur la colline parlementaire pour presser le gouvernement d'agir.

Joey Davis, porte-parole des investisseurs floués par le soi-disant conseiller financier Earl Jones, a annoncé la création d'une coalition de victimes de différents fraudeurs à travers le pays visant à faire pression sur les autorités pour qu'elles s'attaquent aux criminels à col blanc.

Sa mère a perdu près de 200 000 $ dans des investissements auprès d'Earl Jones.

«Cet homme était profondément implanté dans la communauté des affaires et des investissements, et a perpétré ses crimes pendant des années. Nous ne pouvons plus tolérer cela, en tant que Canadiens responsables», a affirmé M. Davis.

Jean-Guy Houle, une victime des fonds Norbourg, a lui aussi indiqué qu'il souhaitait que les personnes reconnues coupables de fraudes se voient imposer des peines plus sévères. Il a convenu malgré tout que le travail pour lutter contre ce type de crimes serait de longue haleine.

«Ca va être dur de redonner confiance aux citoyens vu tous les impacts et les scandales qui sortent un peu partout à travers le Canada», a confié M. Houle.