Opportunisme ou bluff? Le gouvernement conservateur et le NPD de Jack Layton ont tour à tour reproché au chef libéral Michael Ignatieff de faire de la petite politique et de manquer de crédibilité en menaçant de plonger le Canada en élections. Mais les néo-démocrates ont aussi saisi l'occasion d'entrouvrir une petite porte à une collaboration pour sauver le gouvernement de Stephen Harper.

«On est prêts à gérer un arrangement. C'est possible», a dit le député ontarien du NPD Joe Comartin, en entrevue à La Presse. Plus tôt dans la journée, le député québécois néo-démocrate Thomas Mulcair avait affirmé que la priorité de son parti était de faire fonctionner le Parlement. Mais le pas à franchir serait considérable, concède M. Comartin, ce qui rend très improbable cette alliance contre nature.

 

«Il est absolument nécessaire que les conservateurs fassent des compromis très importants, a affirmé le député néo-démocrate. S'ils ne changent pas leur politique économique, on ne pourra pas les appuyer.» La semaine dernière, le chef du NPD, Jack Layton, était d'ailleurs rentré bredouille d'une rencontre avec M. Harper.

Le NPD pense plutôt que M. Ignatieff reviendra sur sa position. «C'est difficile d'accorder de la crédibilité à M. Ignatieff quand il menace de voter contre le gouvernement. Ça fait plusieurs fois qu'il dit ça et il a voté avec le gouvernement chaque fois, a dit M. Comartin. Rien n'a changé depuis juin et M. Ignatieff appuyait alors le gouvernement. Alors, je pense qu'il va continuer à l'appuyer.»

Le député du NPD croit que si le Parti libéral s'entêtait à déposer une motion de défiance, les troupes de Michael Ignatieff trouveraient un moyen d'éviter la chute du gouvernement, par exemple en s'absentant au moment du vote.

De passage à Calgary, le premier ministre a quant à lui répété le même message que les conservateurs martèlent depuis des semaines, à savoir que la population ne veut pas, selon lui, d'élections.

«Les Canadiens veulent que le Parlement concentre ses énergies sur l'économie. C'est ce que le gouvernement va faire à l'automne, a dit M. Harper. C'est notre vision des choses, et celle, je pense, de la vaste majorité des Canadiens. La petite politique et l'instabilité ne serviront pas les intérêts du pays en ce moment.»

Le ministre des Transports, John Baird, a pour sa part qualifié d'«opportunisme politique» la volonté du chef libéral Michael Ignatieff de «plonger le Canada dans des élections inutiles», moins d'un an après le dernier scrutin.

«Il ne fait pas ce qui est dans l'intérêt des Canadiens, il fait ce qui est bon pour lui-même», a lancé M. Baird, qui a refusé de comparer cette menace d'élections au déclenchement d'un scrutin hâtif, l'an dernier, par le premier ministre Harper alors qu'il avait lui-même fait adopter une loi imposant la tenue d'élections à date fixe.

M. Baird a toutefois émis de sérieux doutes quant à la possibilité que son gouvernement soit sauvé par le NPD ou le Bloc québécois advenant une motion de défiance déposée par les libéraux.

«Je crois que les deux partis ont été très clairs depuis de nombreuses années. Je ne ferai pas de spéculation là-dessus», a-t-il souligné.

Le Bloc québécois n'a pas voulu réagir, hier. Le chef bloquiste, Gilles Duceppe, a convoqué les médias aujourd'hui à 16h, à Laval. Il serait très surprenant de voir les troupes souverainistes d'Ottawa se ranger du côté du gouvernement Harper.

 

Un quatrième scrutin fédéral en cinq ans?

> 28 juin 2004: Le premier ministre libéral Paul Martin, successeur de Jean Chrétien, déclenche des élections générales le 23 mai. Il sera réélu, mais perdra sa majorité en Chambre.

> 23 janvier 2006: Une motion de défiance des conservateurs, appuyés par le NPD et le Bloc, fait tomber le gouvernement Martin, fin novembre 2005. Une longue campagne électorale, entrecoupée par les fêtes de Noël, mène le Parti conservateur de Stephen Harper au pouvoir, minoritaire.

> 14 octobre 2008: Malgré une loi imposant des élections à date fixe, qu'il a lui-même fait adopter, le premier ministre Harper déclenche une campagne électorale le 7 septembre, après plus de 30 mois au pouvoir. Il sera réélu, minoritaire.

> 26 octobre? 9 ou 16 novembre? Le gouvernement sera-t-il défait en septembre par une motion de défiance déposée par le chef libéral Michael Ignatieff?

> Coût de la tenue d'élections générales fédérales: 300 millions

> Répartition des sièges à la Chambre des communes:

- PCC: 143

- PLC: 77

- Bloc: 48

- NPD: 36

- Ind.: 1

- Vac.: 3

Total: 308