Gary Doer a causé tout un émoi au Manitoba et même parmi les membres de son parti, jeudi, en annonçant sa démission, après dix ans à titre de premier ministre.

Le politicien néo-démocrate en a fait l'annonce à l'Assemblée législative, accompagné de sa femme Ginny.

Agé de 61 ans, M. Doer quittera ses fonctions bien avant les prochaines élections provinciales, prévues pour 2011. De plus, il abandonne la vie politique au moment où son parti détient une excellente cote de popularité et alors que personne n'aspirait à le remplacer.

Il n'a pas précisé, cependant, à quel moment il partira ni ce qu'il fera de tous ses temps libres.

«Vous allez me demander la date exacte de mon départ, mais c'est une décision que je prendrai conjointement avec mon parti, a-t-il dit. Vous allez me demander qui me remplacera, mais je ne répondrai pas à cette question. Et vous allez me demander ce que je vais faire maintenant. Eh bien, je n'ai pas l'intention de regarder la télévision», a lancé M. Doer, qui semblait décontracté et dans de très bonnes dispositions.

«J'avais prévu démissionner autour de mon 10e anniversaire, a-t-il ajouté. Je n'avais pas prévu vous en avertir.»

De tous les premiers ministres du Canada, M. Doer est celui qui était en poste depuis le plus longtemps. Cet honneur appartient dorénavant à Gordon Campbell, premier ministre de la Colombie-Britannique depuis 2001.

Réagissant à cette nouvelle, le premier ministre du Québec, Jean Charest, a émis l'opinion que la province venait de perdre un allié indéfectible, tant sur la scène canadienne que sur la scène internationale.

«Grand ami du Québec, Gary Doer a marché aux côtés du Québec dans plusieurs dossiers», a rappelé M. Charest.

«Il a appuyé notre projet de création du Conseil de la fédération dès le départ, tout comme le projet d'un nouvel accord économique entre l'Europe et le Canada. Sur la question des changements climatiques, il a su insuffler un leadership important. Nous avons d'ailleurs coprésidé le premier sommet des leaders sur les changements climatiques, tenu à Montréal en 2005», a aussi noté M. Charest.

Le chef du NPD à Ottawa, Jack Layton, a admis sa grande surprise devant la décision de M. Doer, mais a aussitôt rappelé à quel point celui-ci était respecté partout au pays.

«Il a montré ce à quoi ressemblait un leadership axé sur le pragmatisme et les principes, et ce à quoi peut ressembler un gouvernement néo-démocrate, et ce qu'il peut accomplir, a loué M. Layton. Il s'est toujours assuré de maintenir les emplois, d'offrir des services sociaux de qualité et d'établir de vigoureuses communautés.»

Surnommé «Teflon premier», M. Doar a été élu député pour la première fois à l'Assemblée législative du Manitoba en 1986, dans la circonscription de Concordia, au nord de Winnipeg. Le premier ministre Howard Pawley lui a alors confié le poste de ministre des Affaires urbaines.

Deux ans plus tard, il est élu chef du NPD du Manitoba à la suite de la défaite du parti aux élections provinciales. Pendant 11 ans, il a siégé dans l'opposition. En 1999, il a mené le NPD au premier de trois gouvernements majoritaires consécutifs à l'Assemblée législative.

Après avoir discuté avec d'autres politiciens dont les carrières ont été écourtées par des défaites électorales, M. Doer s'était promis de quitter au moment de son choix.

«Dans ce métier, lorsque vous avez la chance de décider vous-même de la date de votre départ, vaut mieux en profiter. J'ai vu beaucoup de gens très compétents être forcés de céder leur place», a confié M. Doer.

«C'est important de partir à ses propres conditions, mais vous devez aussi le faire dans un contexte qui permet au parti de se renouveler, au gouvernement de se renouveler et au public de sentir une nouvelle source d'énergie», a-t-il renchéri.

Bien qu'il ait livré une allocution lors de la récente réunion générale du NPD fédéral en Nouvelle-Ecosse, M. Doer n'a pas voulu s'aventurer sur les possibilités qu'il demeure dans le secteur public. D'ailleurs, il a déridé son auditoire en annonçant qu'il ne serait pas nommé au Sénat.

«Le poste de premier ministre représente le poste le plus en vue de la fonction publique. Il ne faut jamais dire jamais, mais j'envisage tourner la page. J'ai de l'énergie à revendre. On m'a offert toutes sortes de fonctions, au fil des ans. Je peux encore en donner.»

Le conseil exécutif du parti se réunira tôt la semaine prochaine pour établir les modalités d'un congrès à la direction.