Le Canada a perdu un grand allié avec la mort du sénateur américain Ted Kennedy, ont estimé mercredi des personnalités publiques qui l'ont connu.

Au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse Canadienne, l'ancien premier ministre Brian Mulroney, un ami proche de M. Kennedy, l'a décrit comme un «homme de courage» qui partageait plusieurs points de vue avec les Canadiens, notamment la foi en un système public de santé et l'opposition à la guerre en Irak. «Il a pris la parole au tout début contre l'intervention en Irak, a rappelé M. Mulroney. Il était presque seul à se tenir debout et à prédire avec beaucoup de réalisme le résultat ultime de l'initiative américaine.»

Dans les années 1980, Ted Kennedy avait également appuyé les efforts d'Ottawa visant à imposer des sanctions économiques à l'encontre du régime d'apartheid en Afrique du Sud et à combattre les pluies acides, a rappelé Brian Mulroney.

«Il s'intéressait profondément à nos politiques sur l'Afrique du Sud et la libération de Nelson Mandela parce qu'elles allaient à l'encontre de celles de l'administration de Ronald Reagan à l'époque», s'est-il remémoré.

L'ancien chef conservateur aimait particulièrement chez M. Kennedy sa capacité à faire preuve d'une fougue partisane dans les batailles politiques, tout en restant respectueux de ses adversaires.

«Il n'y avait pas un grain de malice chez lui», a-t-il affirmé.

Selon lui, on se rappellera de Ted Kennedy comme du plus grand sénateur américain de l'histoire moderne. «C'a été un législateur qui a connu un succès spectaculaire et qui comprenait l'art du compromis, sans lequel on ne peut pas arriver à rien au Sénat des États-Unis», a noté M. Mulroney.

Raymond Chrétien, ancien ambassadeur du Canada à Washington, croit aussi que M. Kennedy fait partie des meilleurs sénateurs que les États-Unis ont connu.

«Quand il a compris qu'il ne serait jamais président des États-Unis, il s'est consacré corps et âme à son travail de sénateur», a déclaré M. Chrétien.

«Nous venons de perdre quelqu'un qui nous connaissait bien et qui nous appréciait», a résumé l'ancien diplomate, en parlant des Canadiens.

«Le sénateur Kennedy admirait l'audace canadienne face à bien des problèmes sociaux. (...) Il considérait le Canada comme une sorte de vaste laboratoire social où nous, Canadiens, étions prêts à expérimenter des solutions qui n'étaient pas nécessairement mûres pour ses concitoyens», a ajouté l'ancien ambassadeur.

Brian Mulroney a fait remarquer que M. Kennedy préconisait personnellement pour les États-Unis un système de santé à payeur unique, comme celui du Canada, mais qu'il avait fini par accepter un régime financé à la fois par des fonds privés et publics.

«Le fossé culturel était trop grand (aux États-Unis), mais il voyait dans l'expérience canadienne plusieurs éléments que les Américains pourraient incorporer à leur système, et c'est pour cela qu'il se battait», a relaté M. Mulroney.

Discours à Montréal

Ce dernier a connu Ted Kennedy peu après avoir été élu à la tête du Parti progressiste-conservateur, en 1983. Les deux hommes se sont rendus visite à plusieurs reprises et se parlaient régulièrement au téléphone. M. Mulroney a notamment séjourné dans la chambre à coucher de John F. Kennedy à la résidence familiale de Cape Cod, au Massachussetts.

«Il m'a appelé quand j'étais hospitalisé à l'hôpital Saint-Luc, à Montréal, alors que j'ai frôlé la mort à cause d'une pancréatite aiguë», a raconté l'ancien premier ministre.

Il y a une dizaine d'années, Ted Kennedy s'était rendu à Montréal, à l'invitation de Brian Mulroney, afin de prononcer un discours à l'hôpital Royal Victoria dans le cadre d'une campagne de financement. M. Mulroney a vu M. Kennedy pour la dernière fois il y a environ un an.

Même s'ils ne faisaient pas partie de la même famille politique, les deux hommes se sont liés d'amitié en raison notamment de leurs racines irlandaises communes, a expliqué Brian Mulroney.

M. Chrétien, qui a rencontré Ted Kennedy à quelques reprises à Washington, a relevé que le sénateur était toujours intéressé à connaître la position d'Ottawa, que ce soit sur les soins de santé, les litiges liés aux pêches ou les problèmes frontaliers.

«C'est un homme remarquable qui a fait une grande contribution au débat public américain, particulièrement dans le domaine de la santé», a d'ailleurs commenté le premier ministre Jean Charest, lors d'un point de presse tenu à Saint-Hyacinthe. «La famille Kennedy a influencé toute une époque.»

De son côté, le bureau du premier ministre Stephen Harper a fait part de «ses sympathies et (de) ses condoléances» à la famille et aux amis du défunt.

Ted Kennedy, frère du président assassiné John F. Kennedy, est mort tard mardi à l'âge de 77 ans des suites d'une tumeur au cerveau. Il était sénateur de l'État du Massachussetts depuis novembre 1962.