Les signes d'une reprise économique sont encore trop fragiles pour exposer le Canada à l'instabilité politique que provoquerait une élection, a déclaré jeudi le premier ministre Stephen Harper.

M. Harper a insisté sur le chemin qu'il reste encore à parcourir, affirmant que les économies internationales sont encore au milieu de la pire crise depuis la Deuxième Guerre mondiale.

Mercredi, le ministre des Finances, Jim Flaherty, avait mis de sérieux bémols à l'enthousiasme de la Banque du Canada, qui a récemment prédit que l'économie canadienne sortira de la récession cet été.

Selon M. Flaherty, le chômage pourrait continuer d'augmenter même si le produit intérieur brut recommence à croître.

Cette mise en garde, reprise jeudi par M. Harper, survient alors que les conservateurs et l'opposition libérale restent campés sur leurs positions concernant des changements à l'assurance-emploi, ce qui pourrait se traduire par une élection automnale.

Après avoir annoncé un investissement de 225 millions $ pour améliorer l'accès à Internet en zone rurale, M. Harper a soutenu que l'économie est encore trop fragile pour lancer le pays dans une période d'instabilité politique.

«Nous sommes encore au milieu d'une crise économique mondiale, la pire depuis la Deuxième Guerre mondiale, a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. Je sais qu'il y a des signes d'optimisme mais la soi-disant reprise, à ce stade-ci, est extrêmement fragile.»

A la tête d'un deuxième gouvernement minoritaire depuis trois ans, M. Harper a soutenu que l'économie, et non des élections, devait être la préoccupation des parlementaires fédéraux et il a invité l'opposition à se rallier à son point de vue.

«On devrait continuer à travailler sur l'économie, c'est la priorité des Canadiens, a-t-il dit. Pas l'instabilité politique, pas l'instabilité parlementaire.»

Lors d'un passage dans une petite municipalité de la région de Chaudière-Appalaches, à 90 km sud de Québec, M. Harper a assuré que son gouvernement allait continuer de travailler avec l'opposition, afin de trouver un terrain d'entente sur la question de l'assurance-emploi.

Si un consensus demeure impossible, les conservateurs présenteront au Parlement leurs propres propositions.

«Si on n'est pas capables d'arriver à des solutions communes avec le Parti libéral, quand même, nous présenterons au Parlement nos prochaines étapes sur le chômage», a-t-il dit.

Mercredi, la ministre des Ressources humaines, Diane Finley, a accusé les libéraux de demeurer inflexibles en continuant de réclamer une norme nationale d'admissibilité à l'assurance-emploi à partir de 360 heures travaillées, qu'elle a qualifiée d'irréaliste.

Au printemps, le chef libéral Michael Ignatieff avait enjoint les conservateurs à améliorer l'accès à l'assurance-emploi, sans quoi il refusera d'appuyer une motion de confiance envers le gouvernement, ce qui mènerait à des élections.

Par ailleurs, alors que des conservateurs de la mouvance progressiste s'apprêtent à célébrer le 25e anniversaire de l'élection du premier gouvernement majoritaire de Brian Mulroney, M. Harper a reconnu l'importance de souligner un tel événement, sans toutefois préciser s'il allait lui même y participer.

M. Harper a cependant laissé entendre qu'il était tout à fait opportun, pour ceux qui ont contribué à cette victoire, de participer à la réception, en septembre, qui sera coprésidée par le premier ministre Jean Charest, qui a été ministre dans les gouvernements de M. Mulroney.

«M. Charest fait partie de cet événement historique, qui a été une grande victoire pour le Parti conservateur, a-t-il dit. Je pense que c'est tout à fait approprié que les gens qui étaient impliqués dans cette victoire reconnaissent l'importance historique, de célébrer leur époque.»

L'investissement annoncé jeudi servira à financer 50 pour cent des coûts défrayés par des partenaires privés pour l'implantation d'un réseau Internet à haute vitesse dans les secteurs ruraux et éloignés.

Les fournisseurs pourront commencer à déposer des soumissions dès cet été et le gouvernement choisira les offres d'ici décembre prochain.

«Cette initative ambitieuse va ouvrir la voie pour que tous les Canadiens, sans exception, aient accès à l'autoroute de l'information», a-t-il dit.

Après cette annonce, M. Harper s'est rendu dans un club de golf et de curling de Thetford Mines afin de rencontrer des gens d'affaires.

Devant l'édifice et les nombreuses voitures noires du cortège de M. Harper, quelques passants, dont Normande Dostie, s'étaient rassemblés dans l'espoir d'aperçevoir le premier ministre.

Mme Dostie, une résidente de Thetford Mines âgée de 62 ans, a affirmé que les investissements annoncés par les conservateurs sont le signe qu'une élection est probable cet automne.

«D'habitude, c'est ça, a-t-elle dit. Quand il y a beaucoup d'annonces, c'est parce que ça se dirige vers ça. Mais je ne peux pas vous dire que c'est ça qui va arriver: je ne suis pas dans le secret des dieux.»