Le gouvernement fédéral affirme que sa décision de ne pas financer le festival gai Divers/Cité n'a rien à voir avec des considérations idéologiques et qu'elle est tout simplement le reflet de la dure réalité budgétaire.

Le ministre responsable du Programme des manifestations touristiques de renom (PMTR), Tony Clement, a expliqué mercredi que les demandes de subvention avaient été très nombreuses et qu'il était impossible de dire oui à tout le monde.

«A cause de l'avalanche de demandes qu'on a reçues pour ce genre de projet, il y a seulement 26 pour cent de événements qui reçoivent du financement, ce qui veut dire qu'il y en a 74 pour cent qui sont refusés à cause de la taille du programme», a-t-il fait valoir, lors d'un point de presse à Red Deer en Alberta.

Selon lui, Divers/Cité, qui souhaitait recevoir 155 000 $, est l'un des malchanceux.

Le festival qui commence dans quelques jours a sans doute été victime de la taille du marché «événementiel» montréalais, qui a accaparé 28 pour cent des sommes annoncées jusqu'à maintenant dans le cadre du PMTR.

Le Festival international de jazz de Montréal, le Festival d'été de Québec et l'Internationale de montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu figurent parmi les récipiendaires de gros chèques.

Le PMTR, qui a été annoncé en janvier dernier, est doté d'un budget de 100 millions $ en deux ans.

Au total, le Québec a reçu 42 pour cent des fonds alloués pour 2009, comparativement à 41 pour cent pour l'Ontario, dont la population est pourtant plus importante.

«Je crois que nous avons traité Montréal et Québec de manière très équitable», a fait valoir M. Clement.

Le président du Regroupement des événements majeurs internationaux (REMI), Luc Fournier, est prêt à lui donner raison. A son avis, «le gouvernement a fait sa job et il l'a fait vite», en ce qui concerne le PMTR.

M. Fournier préfère attendre de connaître les motifs d'Ottawa avant de se prononcer, mais pour le moment, il refuse de croire qu'«une certaine forme d'homophobie» est à l'origine du refus signifié mardi aux organisateurs de Divers/Cité.

Il s'en trouve malgré tout dans le milieu culturel pour critiquer les choix des fonctionnaires. Robert Vézina, du festival Black & Blue de Montréal, estime ainsi que le fédéral a fait une erreur en donnant 1,4 million $ aux FrancoFolies de Montréal, qui n'attirent pas énormément de touristes étrangers.

«Mais évidemment, les FrancoFolies sont un événement familial, c'est dehors, c'est pour le grand public et pas pour une clientèle ciblée comme nous. Mais c'est quand même bizarre. Ils auraient pu leur en donner un peu moins et garder de l'argent pour les autres qui meurent de faim», a-t-il souligné.

M. Vézina dit avoir demandé 125 000 $ au PMTR. Il estime que cette subvention serait «parfaite» pour son festival, qui attire bon an mal an le jet-set américain et européen.

A la lumière de ce que vit Divers/Cité, il n'a toutefois plus beaucoup d'espoir d'obtenir le soutien de l'Etat pour sa soirée «rave» de cet automne.

La controverse autour du PMTR fait rage depuis qu'on a appris, il y a deux semaines, que l'ancienne ministre responsable Diane Ablonczy avait été relevée de ses fonctions après avoir annoncé un appui de 400 000 $ à la parade de la fierté gaie de Toronto.

Un député conservateur de la Saskatchewan, Brad Trost, a déclaré à un site Internet faisant la promotion des valeurs familiales que l'annonce avait fait beaucoup de mécontents au sein du caucus ainsi que dans l'entourage du premier ministre.

Pour l'opposition aux Communes, il y a clairement un lien à faire entre ces propos et le sort de Divers/Cité.

Selon Carole Lavallée, du Bloc québécois, les conservateurs ont encore une fois voulu imposer leurs valeurs morales, et particulièrement leur opposition à l'homosexualité, en privant de vivres un événement gai, qui n'a pourtant rien à voir avec une apologie de la débauche.

«Je pense que c'est une autre démonstration du gouvernement conservateur qui privilégie son idéologie à l'économie, encore une fois. Chaque fois ça nous étonne parce qu'on dit qu'ils ne descendront pas aussi bas», a-t-elle confié à La Presse Canadienne.