Signe indéniable d'un certain réchauffement dans les relations entre le Canada et la Chine, le premier ministre Stephen Harper compte faire à la mi-novembre sa toute première visite dans le pays le plus populeux de la planète depuis qu'il est au pouvoir.

Selon des informations obtenues par La Presse, jeudi, le premier ministre profitera de la tenue du sommet Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (APEC), qui aura lieu les 14-15 novembre à Singapour, pour finalement faire un saut en Chine.

Mais cette visite pourrait être annulée si des élections générales sont déclenchées à l'automne. Les libéraux de Michael Ignatieff ont fait savoir la semaine dernière qu'ils n'écartaient pas la possibilité de provoquer la chute du gouvernement minoritaire conservateur le 30 septembre, date où ils auront une journée de l'opposition à la Chambre des communes.

Si les libéraux décident de mettre fin au règne des conservateurs et obtiennent l'appui du Bloc québécois et du NPD, des élections fédérales auraient lieu le lundi 9 novembre.

«M. Harper devrait faire une visite en Chine avant ou après la tenue du Sommet de l'APEC», a indiqué jeudi une source conservatrice sous le couvert de l'anonymat.

M. Harper risque toutefois d'être devancé par son adversaire libéral Michael Ignatieff. Ce dernier a en effet annoncé la semaine dernière qu'il visitera officiellement la Chine au début de septembre.

La ligne dure

Les relations entre le Canada et la Chine se sont refroidies nettement après l'arrivée au pouvoir des conservateurs en février 2006. Alors que les libéraux de Jean Chrétien et ensuite de Paul Martin multipliaient les gestes de séduction envers les autorités chinoises, les conservateurs ont plutôt adopté la ligne dure, n'hésitant pas à critiquer à plusieurs reprises le bilan de la Chine en matière de respect des droits de l'homme.

Stephen Harper avait même affirmé, à la veille d'un sommet de l'APEC en 2007, qu'il n'avait pas l'intention de «brader» les droits de l'homme simplement pour avoir de meilleures relations commerciales avec la Chine et empocher «les puissants dollars» de ce pays.

Auparavant, d'autres événements avaient irrité les dirigeants chinois. En 2006, le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Peter MacKay, aujourd'hui ministre de la Défense, avait affirmé que le gouvernement canadien avait «des preuves» que des agents secrets chinois se livraient à de l'espionnage industriel au Canada. Cette déclaration avait soulevé l'ire de l'ambassadeur Lu Shumin, qui avait nié avec véhémence cette allégation.

En 2007, la Chine avait fait connaître son mécontentement lorsque l'ancien ministre de l'Immigration, Monte Solberg, avait rencontré le dalaï-lama quelques jours avant que le Canada ne lui accorde la citoyenneté canadienne à titre honorifique.

Virage discret

Ce froid dans les relations entre le Canada et la Chine, dont l'économie a connu un taux de croissance économique annuelle spectaculaire dépassant les 10 % avant que la crise mondiale ne frappe, a semé l'inquiétude chez les gens d'affaires.

Mais le gouvernement Harper a discrètement entrepris un virage au cours des derniers mois pour rétablir les liens avec les autorités chinoises. D'abord, l'an dernier, M. Harper avait profité du sommet de l'APEC, au Japon, pour s'entretenir avec le président chinois, Hu Juntao.

Ensuite, le ministre du Commerce international, Stockwell Day, s'est rendu en Chine en avril afin d'y ouvrir de nouveaux bureaux commerciaux. Cette visite a été saluée par les gens d'affaires canadiens et les autorités chinoises.

Enfin, la semaine dernière, M. Harper a rencontré à son bureau de la colline parlementaire le ministre chinois des Affaires étrangères, Yang Jeichi. Les deux hommes ont discuté devant les caméras de l'importance d'accroître les liens entre les deux pays.

M. Harper a aussi profité de l'occasion pour demander à son invité, devant les caméras, de transmettre ses meilleurs voeux au président de la Chine. «Votre visite ici est très utile et nous l'apprécions», a même lancé M. Harper à M. Yang.

Selon l'ancien ministre libéral des Affaires étrangères John Manley, il est évident que le gouvernement Harper travaille à améliorer les relations avec la Chine. Et il se félicite de la visite prévue du premier ministre en novembre.

«Je crois qu'il y a un réchauffement depuis la visite de Stockwell Day (le ministre du Commerce international). (...) Ce sont de bonnes nouvelles. Il faut que le Canada soit engagé avec la Chine et cela à tous les niveaux», a dit M. Manley, qui prendra la tête du Conseil canadien des chefs d'entreprise à partir du 1er janvier.

M. Manley, qui aussi été vice-premier ministre dans le gouvernement libéral de Jean Chrétien, a affirmé que la Chine remplacera les États-Unis comme moteur de la croissance de l'économie mondiale au XXIe siècle.

Un porte-parole du gouvernement Harper, Dimitri Soudas, a affirmé que le gouvernement Harper n'avait pas négligé les relations avec la Chine, soulignant qu'une dizaine de ministres y ont fait une visite officielle depuis 2006.