Des documents sensibles oubliés par mégarde. Une ministre sur la sellette. Une démission réclamée par l'opposition. Un gouvernement dans l'embarras. À peine plus d'un an après la démission du ministre des Affaires étrangères Maxime Bernier, l'histoire se répète.

Cette fois-ci, c'est la ministre des Ressources naturelles, Lisa Raitt, ou plutôt une de ses employées, qui a laissé un cahier à anneaux contenant différents documents sensibles, dont certains portant la mention «secret», dans les bureaux d'Ottawa de la chaîne de télévision CTV.À l'instar de l'ex-ministre Bernier, secoué l'an dernier par l'affaire Couillard, Mme Raitt a voulu remettre sa démission au premier ministre Stephen Harper, qui l'a refusée. C'est plutôt son attachée politique de 26 ans, Jasmine MacDonnell, qui a écopé; c'est elle qui aurait oublié les documents en question.

«Ce n'est pas la faute personnelle de la ministre», a justifié M. Harper, de passage à Québec.

Les trois partis de l'opposition aux Communes se sont rapidement déchaînés, accusant le premier ministre de manquer de jugement, de bafouer ses propres règles, et d'agir avec deux poids, deux mesures.

«C'est de l'incohérence totale, puis on se moque des gens, a estimé le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe. Dans un cas, il exige la démission, puis dans l'autre cas, la même chose se produit et il la refuse. Ça manque carrément de dignité. C'est une employée qui subit les contrecoups de cela. Alors cela est totalement inacceptable.»

«M. Harper est en train de prouver son hypocrisie, a renchéri le député néo-démocrate Thomas Mulcair. Mot pour mot l'an dernier Stephen Harper a dit que ça n'avait rien à voir avec les facteurs individuels ou personnels, de comportement ni de performance dans leurs fonctions. Ça avait tout à voir avec une règle inébranlable de confidentialité des documents.»

Le Guide du ministre pour un gouvernement responsable prévoit en effet que «le premier ministre tient les ministres personnellement responsables de la sécurité de leur personnel, de leurs bureaux et des documents confidentiels du Cabinet».

La décision du premier ministre est d'autant plus surprenante, pour les libéraux, que Mme Raitt a admis, en présentant sa démission, «qu'elle est coupable d'avoir laissé des documents dans une place publique», a dit le critique libéral en matière d'énergie, David McGuinty.

«Quand une ministre perd un cartable rempli de documents secrets du gouvernement, c'est sérieux, a lancé le chef libéral Michael Ignatieff. Quand la même ministre ne tente pas de les récupérer, parce qu'elle ne savait même pas qu'ils étaient perdus, cela devient ridicule.

Mais quand elle blâme son employée, cela devient méprisable.»

Bombardée de questions en Chambre, Mme Raitt s'est contentée de répéter inlassablement que «des mesures correctives» avaient été prises et que l'employée en question avait été congédiée.

Dans la foulée de la crise des isotopes médicaux, déclenchée par l'arrêt de production du réacteur nucléaire de Chalk River, depuis la mi-mai, la ministre a donné plusieurs entrevues la semaine dernière, dont à la chaîne de télévision CTV. C'est donc vendredi que le document a été oublié, mais CTV n'a révélé l'erreur que mardi soir dans un reportage. Entre-temps, personne ne les a réclamés.

Selon CTV, les documents indiquent notamment des dépassements de coûts à Énergie atomique du Canada et à la centrale nucléaire de Chalk River. Depuis 2006, le gouvernement fédéral y aurait investi 1,7 milliard, dont 72 millions cette année pour maintenir la production d'isotopes médicaux, une somme qui n'apparaît nulle part dans le dernier budget de Jim Flaherty.

L'an dernier, alors qu'il était ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier avait admis avoir oublié des documents classifiés à la résidence de son ancienne amie de coeur, Julie Couillard, ex-conjointe, successivement, de deux membres du crime organisé.

La raison invoquée pour réclamer sa démission avait été l'oubli de ces documents confidentiels concernant le travail des troupes canadiennes en Afghanistan. Le premier ministre Harper avait alors affirmé qu'il s'agissait d'une «erreur grave» et que les ministres étaient «toujours responsables de la protection des documents classifiés».

É.-U.: documents sur le nucléaire publiés par erreur

Le gouvernement américain a mis accidentellement en ligne sur Internet le 6 mai dernier une liste détaillée des installations nucléaires civiles et gouvernementales accompagnée de leurs activités. Plusieurs responsables américains ont toutefois assuré hier qu'aucune information risquant de compromettre la sécurité nationale ne figurait dans le document.