Brian Mulroney a quitté la salle d'audience de la commission Oliphant avec un large sourire et accompagné de sa femme Mila, hier, après six jours d'un témoignage qui, au départ, ne devait en durer que trois ou quatre.

À l'invitation du commissaire Jeffrey Oliphant, M. Mulroney a convenu avant de quitter la barre des témoins que la commission avait été juste envers lui. «C'est précisément ce que je pense, monsieur le commissaire, a-t-il dit. Tant vous que l'avocat principal de la commission, Richard Wolson, et ses collègues et d'autres membres du groupe m'ont traité de manière très juste et avec beaucoup de respect.»

 

Ces propos détonnent par rapport à ceux qu'avait tenus un autre ancien premier ministre, Jean Chrétien, lorsqu'il avait été contraint de témoigner devant une autre commission d'enquête, la commission Gomery. M. Chrétien était par la suite parvenu à faire annuler certaines conclusions-clés du rapport du commissaire John Gomery, au motif qu'il avait entretenu une apparence de partialité à son endroit. M. Mulroney est représenté par le même cabinet d'avocats que M. Chrétien.

M. Mulroney a été contre-interrogé pendant environ quatre heures par l'avocat de Karlheinz Schreiber, hier. Me Richard Auger a tenté par plusieurs moyens de discréditer la version des faits fournie par le témoin. Il l'a placé devant plusieurs déclarations contradictoires de son ancien porte-parole, Luc Lavoie. Il l'a aussi interrogé sur sa rencontre avec M. Schreiber dans une chambre de l'hôtel Savoie, à Zurich, en 1998, rencontre qui s'est tenue à l'initiative de M. Mulroney pour de simples raisons de «courtoisie».

M. Mulroney a aussi expliqué qu'il avait dépensé les 75 billets de 1000$CAN placés dans un coffret bancaire à New York à partir de la fin de l'année 2000, soit après que sa situation fiscale eut été régularisée au Canada. Il a précisé que ces sommes étaient allées à sa famille «immédiate et étendue aux États-Unis». La fille M. Mulroney, Caroline, s'est mariée en août 2000 avec l'américain Andrew Lapham, fils de l'ancien éditeur du magazine Harper's, Lewis Lapham.

À une question du juge Oliphant, il a aussi convenu qu'il s'en était servi pour aider ses enfants qui étudiaient alors aux États-Unis. «Je pense qu'il y avait à cette époque au moins deux, sinon trois à New York et au Connecticut», a-t-il dit.

C'est une étape cruciale de la commission Oliphant qui s'est ainsi terminée avec la fin avec son témoignage. Il ne reste plus qu'une journée d'audiences: aujourd'hui. Une poignée de fonctionnaires doivent expliquer des aspects plus techniques de l'affaire. Karlheinz Schreiber pourrait être appelé à revenir à la barre, mais on ignore quand. Il est pour l'instant en convalescence chez lui, après une opération d'urgence à la vésicule biliaire, la semaine dernière.

Le commissaire Oliphant doit rendre son rapport avant la fin de l'année. D'autres audiences seront tenues au début du mois de juin. Elles ne porteront par contre que sur les normes d'éthique imposées aux détenteurs de charges publiques, et sur les possibilités de les améliorer.

En fin de journée, un fonctionnaire de Revenu Canada a pris son tour devant le commissaire pour préciser certaines subtilités de la loi fiscale canadienne. Il a entre autres indiqué que dans le cas d'un acompte (retainer) - ce en quoi consistaient les 225 000$ versés en argent comptant dans des chambres d'hôtel selon Brian Mulroney - cet argent aurait dû être déclaré chaque année. Or, l'ancien premier ministre a attendu six ans pour le faire. Il a alors utilisé une procédure réservée aux contribuables qui ont fourni des informations incomplètes ou erronées dans leur déclaration de revenus: le programme de divulgations volontaires.

 

La Presse CanadienneUNE FACTURE DE 2 MILLIONS AUX CANADIENS

Les contribuables devront payer une note de 2 millions de dollars pour les frais juridiques de Brian Mulroney engagés dans le cadre de la commission d'enquête sur ses relations d'affaires avec l'homme d'affaires allemand Karlheinz Schreiber, a appris La Presse Canadienne. Cette somme s'ajoute aux 14 millions ou plus que devrait coûter la commission présidée par le juge Jeffrey Oliphant. Jusqu'à maintenant, il avait été rapporté que M. Mulroney payait lui-même ses dépenses juridiques. C'est toutefois l'impression qui s'était dégagée, puisque l'ancien premier ministre n'a pas demandé à avoir recours au financement public auprès de la commission. Fred Doucet, un lobbyiste et ancien chef de cabinet de M. Mulroney, est le seul participant de la commission qui ait eu recours au financement public.