Malgré tous ses efforts, George Galloway ne pourra mettre les pieds au Canada. La Cour fédérale a rejeté hier une demande d'injonction visant à autoriser le controversé député britannique à entrer au pays.

Dans sa décision, le juge Luc Martineau a refusé à M. Galloway la permission de venir prononcer une série de conférences contre la guerre, cette semaine, en Ontario et au Québec.

 

Tout en reconnaissant que les avocats de M. Galloway avaient soulevé des «arguments sérieux» contre l'interdiction de séjour décidée par Ottawa, le juge Martineau ne s'est pas dit convaincu que cela causera un tort irréparable au député.

«C'est un précédent très dangereux pour le Canada», regrette Rezeq Faraj, porte-parole de Solidarité pour les droits humains palestiniens, l'organisme qui devait accueillir M. Galloway à Montréal, mercredi soir. «Galloway n'est un danger pour personne. Simplement, on l'empêche de venir s'exprimer parce qu'il ne partage pas les opinions du gouvernement de Stephen Harper.»

Le député devrait malgré tout prononcer des discours à Montréal et ailleurs au Canada, mais par vidéoconférence, à partir d'un studio d'enregistrement à New York.

Convoi humanitaire

Le 20 mars, George Galloway a été jugé «inadmissible» au Canada. Le gouvernement fédéral lui reproche d'avoir soutenu le Hamas, une organisation jugée terroriste et illégale au pays.

Au début du mois, M. Galloway a conduit un convoi d'aide humanitaire à Gaza. À son bord, des vêtements, de la nourriture, des véhicules d'urgence; au total, plus de deux millions d'aide pour cette région durement éprouvée par l'offensive militaire israélienne de janvier. M. Galloway a aussi offert personnellement 45 000$ d'argent liquide et trois véhicules au premier ministre du Hamas, Ismaïl Haniyeh.

Du coup, le député britannique est devenu persona non grata au Canada.

Avec plus ou moins d'enthousiasme, les leaders de l'opposition ont pris la défense de M. Galloway, la semaine dernière. La majorité des journaux canadiens leur ont emboîté le pas, estimant que la liberté d'expression devait primer l'agacement du gouvernement Harper envers les opinions politiques du député.

Le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, a toutefois affirmé que ce n'était pas en raison de ses opinions que M. Galloway était interdit de séjour, mais «en raison de son soutien financier et matériel à une organisation terroriste illégale».

QUI EST GEORGE GALLOWAY ?

«Controversé» est un euphémisme pour décrire George Galloway. Ancien député travailliste de Glasgow, en Écosse, il a été chassé du parti de Tony Blair en 2003, après avoir souhaité en public le massacre des soldats britanniques en Irak.

Le député a alors fondé son propre parti, Respect, et a profité de la grogne des musulmans britanniques envers l'invasion en Irak pour se faire élire en 2005 dans Bethnal Green, quartier de l'est de Londres à très forte population musulmane.

Libre de toute attache politique, M. Galloway ne s'est pas gêné pour appuyer les talibans, ni pour laisser entendre que l'ex-premier ministre Blair serait une cible d'attentat légitime.

Mais les accusations les plus dommageables envers l'Écossais concernent ses amitiés douteuses avec l'ancien dictateur irakien Saddam Hussein, qu'il a rencontré à deux reprises dans les années 90.

En 2005, un comité du Sénat américain l'a accusé d'avoir détourné d'importantes sommes d'argent du programme Pétrole contre nourriture, mis sur pied par les Nations unies alors que sévissait un embargo contre l'Irak.

L'organisme de charité qu'il dirigeait à l'époque a reçu plus de 400 000$ après que son partenaire d'affaires, le Jordanien Fawaz Zureikat, eut versé des pots-de-vin au régime de Saddam Hussein en échange d'un gros contrat pétrolier. À l'époque, M. Galloway militait activement pour la levée des sanctions en Irak.

Le quinquagénaire à la moustache et au teint bronzé adore les voitures de luxe et les vêtements griffés. Tellement que la presse britannique l'a surnommé «Gorgeous George».

Son goût immodéré pour les feux de la rampe l'a conduit à participer à l'émission Celebrity Big Brother, le Loft Story des célébrités britanniques en mal d'attention.

Ironiquement, celui qui se dit aujourd'hui victime de censure a mené en 2004 une campagne pour interdire de séjour en Grande-Bretagne le leader du Front national, Jean-Marie Le Pen.