Faisant fi des inquiétudes et des critiques, le gouvernement conservateur enclenche le processus de ratification de l'accord de libre-échange avec la Colombie, malgré la violence incessante et les crimes contre la personne qui y sévissent.

En période de crise économique, il importe de créer des nouveaux débouchés pour les entreprises canadiennes, disent les conservateurs. Ainsi, un projet de loi a été déposé, hier, pour ratifier les accords de libre-échange signés avec le Pérou et la Colombie, l'automne dernier.

 

«Nous espérons procéder rapidement afin de créer de nouvelles occasions d'affaires, augmenter la prospérité, accroître les emplois et les investissements, non seulement au Canada, mais aussi en Colombie et au Pérou», a dit le ministre du Commerce international, Stockwell Day, en conférence de presse, à Vancouver.

Les tarifs douaniers seront progressivement éliminés sur les marchandises et pour les fournisseurs de services. Des accords connexes dans le domaine du travail et de l'environnement complètent les ententes.

Les groupes de défense des droits de l'homme, le NPD et le Bloc québécois s'opposent avec force à un tel traité avec la Colombie, aux prises avec de graves problèmes: manque de respect des droits des travailleurs, corruption, assassinats de délégués syndicaux, expropriations.

Joint par La Presse en Colombie, le militant Omar Fernandez s'est dit surpris et inquiet. «Nous avions eu un dialogue constructif avec Peter Kent, et nous pensions que le gouvernement canadien étudierait davantage les implications avant de ratifier», a-t-il souligné.

Une coalition de groupes sociaux de Colombie avait effectué une tournée au Canada en février dernier pour sensibiliser la population aux dangers d'un accord de libre-échange avec un pays aux prises avec tant de violence impunie. «Nous demandons aux parlementaires canadiens de ne pas appuyer ce projet de loi avant qu'il n'y ait eu une évaluation des impacts qu'aura l'accord sur les droits de l'homme en Colombie», a dit M. Fernandez, hier.

Pour le député du NPD Peter Julian, il est «complètement inapproprié» que le Canada soutienne un régime qui a des liens avec les paramilitaires, dans un pays où les droits fondamentaux continuent de se dégrader.

La semaine dernière, Amnistie internationale a condamné le gouvernement colombien du président Alvaro Uribe, l'accusant de faire obstacle au travail légitime des défenseurs des droits de l'homme.

«Il y a plus de travailleurs assassinés en Colombie que dans tout le reste du monde, chaque année, a souligné le président du Syndicat canadien de la fonction publique, Paul Moist. On doit se ranger aux arguments de Barack Obama: comment peut-on signer un accord de libre-échange avec un pays où, si tu manifestes dans la rue, tu cours le risque d'être tué?»

Le président américain s'oppose à un traité comparable entre les États-Unis et la Colombie.

Si le gouvernement canadien veut aller de l'avant, estime M. Moist, c'est pour faire plaisir aux compagnies minières, qui y voient d'importantes occasions d'affaires.

Mais selon le ministre québécois Jean-Pierre Blackburn, le gouvernement colombien est résolument engagé à promouvoir les droits fondamentaux et les droits des travailleurs.

«Ce n'est pas en les isolant que nous allons les aider à progresser», a-t-il estimé. Le gouvernement croit que le Canada jouera un rôle social, s'assurant que les droits des travailleurs seront respectés, y compris la liberté d'association.

Des pénalités pouvant aller jusqu'à 15 millions de dollars par an seront imposées pour non-respect des clauses de l'entente. Ces sommes seront versées à un fonds consacré à la promotion des droits des travailleurs.

Le gouvernement conservateur fait ainsi fi d'une recommandation formulée en juin 2008 par le Comité permanent du commerce international, qui réclamait qu'un organisme indépendant évalue l'impact du traité sur les droits de l'homme en Colombie.

Alors que le Bloc québécois rejette ce traité, le Parti libéral est beaucoup plus nuancé, ce qui pourrait ouvrir la porte à une ratification prochaine de l'accord.

«Nous n'avons pas pris de décision définitive. Nous allons continuer à rencontrer les gens pour et contre, a dit le critique libéral en matière de commerce international, Scott Brison. Mais au Parti libéral, on pense pouvoir influer sur les droits de l'homme plus efficacement lorsque nous sommes engagés économiquement dans un pays.»

Les échanges économiques entre le Canada et la Colombie s'élevaient à 1,3 milliard de dollars en 2008.