Le néo-démocrate Yvon Godin, qui se bat depuis des années pour les droits des minorités linguistiques, est revenu lundi à la charge pour exiger que les prochains juges de la Cour suprême du Canada soient bilingues au moment de leur nomination.

Le député d'Acadie-Bathurst a déposé en Chambre un projet de loi privé, qui modifierait la législation sur la Cour suprême afin d'obliger le gouvernement à choisir, pour le plus haut tribunal du pays, des juristes «capables de comprendre le français et l'anglais sans l'aide d'un interprète».Une telle règle est déjà en vigueur pour les tribunaux inférieurs, dont la Cour fédérale et la Cour de l'impôt, par exemple.

Le projet de loi de M. Godin bénéficie de l'appui de plusieurs organismes du milieu de la justice ainsi que des communautés linguistiques minoritaires, dont la Fédération des communautés francophones et acadienne.

Le porte-parole du Parti libéral et celui du Bloc québécois en matière de langues officielles soutiennent tous deux l'initiative d'Yvon Godin, qui tient en un paragraphe.

À leur avis, les changements proposés protégeraient les droits des minorités linguistiques, sans bouleverser le système actuel.

«La Cour est faite pour les citoyens, non pour les juges», a martelé M. Godin.

Comme il s'agit d'un projet de loi privé, ses collègues ne seront cependant pas tenus de respecter la ligne de parti au moment du vote. On s'attend néanmoins à ce qu'une majorité suivent la recommandation de leur expert maison.

Pour sa part, le gouvernement continuera à s'opposer à une telle législation. Il dit vouloir sélectionner les juges en fonction de leurs «compétences» - y compris la capacité de s'exprimer dans les deux langues officielles- sans avoir les mains liées.

«Le gouvernement est déterminé à nommer les personnes les mieux qualifiées», a résumé le député Steven Blaney, au nom des conservateurs.

Cet argument ne convainc pas l'opposition, qui affirme que la capacité de comprendre à la fois le français et l'anglais devrait être une qualité essentielle pour un magistrat siégeant au plus haut tribunal du pays.

D'après M. Godin, le recours obligatoire à la traduction et à des interprètes risque d'entraîner des erreurs judicaires, aux conséquences potentiellement désastreuses.

«Il est crucial que les juges comprennent la loi telle qu'elle est, dans sa dualité, pour protéger nos droits. L'interprétation simultanée ou la traduction ne suffit pas. Elle donne lieu à une interprétation qui souvent tend à s'éloigner du sens premier», a-t-il insisté.

Le débat sur le bilinguisme à la Cour suprême a repris le printemps dernier, après le départ à la retraite du juge acadien Michel Bastarache.

Le gouvernement avait alors refusé de s'engager à lui trouver un remplaçant parlant français. En bout de ligne, il a toutefois retenu un candidat bilingue, Thomas Cromwell, de la Nouvelle-Ecosse.

Il n'y a actuellement qu'un seul unilingue parmi les neuf magistrats du plus haut tribunal du pays. Il s'agit de Marshall Rothstein, nommé en 2006 par les conservateurs.

Sa présence sur le banc force les autres juges à délibérer en anglais seulement, même dans les causes dont l'audience s'est déroulée en français.