Le gouvernement Harper a ressuscité hier deux mesures controversées de lutte contre le terrorisme, qui pourraient bien recevoir l'aval du Parti libéral et être adoptées.

Selon le projet de loi présenté à la Chambre des communes, la police aurait le pouvoir de détenir un individu sans mandat jusqu'à trois jours si elle juge que c'est nécessaire pour empêcher qu'un acte terroriste se produise. Elle devrait pour ce faire obtenir l'aval d'un juge le plus rapidement possible.

 

L'autre mesure permet d'obtenir l'autorisation judiciaire pour forcer quelqu'un à témoigner afin d'obtenir des renseignements sur un acte terroriste sur le point d'être commis.

À quelques changements près, ces dispositions sont les mêmes que celles qui avaient été mises en oeuvre par le gouvernement Chrétien en 2001, dans la foulée des attentats du 11 septembre. Elles devaient cependant faire l'objet d'une révision après 5 ans.

Ainsi, en 2007, l'opposition du chef libéral Stéphane Dion, du Bloc québécois et du NPD pour des motifs de droits fondamentaux a empêché leur reconduction lors d'un vote à la Chambre des communes.

Un projet de loi tenant compte de certains amendements proposés par les partis de l'opposition a ensuite été réintroduit au Sénat, mais il est mort au feuilleton lorsque Stephen Harper a déclenché des élections en septembre dernier.

Le PLC ouvre la porte

Hier, le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a plaidé en faveur de ces outils qui, dit-il, sont nécessaires pour que les forces de l'ordre assurent la sécurité nationale.

«Nous sommes déterminés à protéger la sécurité nationale mais, en même temps, nous protégerons les droits et libertés de tous les Canadiens.»

Le Bloc québécois et le NPD ne sont pas de cet avis et ils se sont dits opposés aux mesures proposées.

Quant au Parti libéral, le chef Michael Ignatieff et le critique en matière de Justice, Dominic LeBlanc, ont tous deux laissé la porte grande ouverte à un appui par le caucus de cette nouvelle législation.

«Nous croyons que ce projet de loi reflète peut-être les améliorations que le comité spécial du Sénat avait faites il y a deux ans et si c'est le cas, nous allons le regarder avec une attention particulière», a indiqué M. LeBlanc.

Les sénateurs libéraux avaient voté en faveur du projet présenté à la Chambre haute en octobre 2007. Dès son introduction, Stéphane Dion l'avait accueilli favorablement. Il faut dire que le vote à la Chambre des communes, quelques mois plus tôt, avait causé des divisions au sein de son caucus. Un député avait voté contre, tandis que l'ancien ministre de la Justice, Irwin Cotler, s'était abstenu.

Stigmates et profilage

«Ce serait un non-sens si les libéraux votaient pour», a néanmoins tranché le député et porte-parole du Bloc en matière de Sécurité publique, Serge Ménard.

Il a fait remarquer qu'aucune de ces deux mesures n'avait été utilisée par les policiers pendant toutes les années où elles ont été en vigueur.

Il a dit également craindre qu'elles ne stigmatisent les gens qui en feraient l'objet, d'autant plus qu'elles donnent au juge le pouvoir d'imposer diverses conditions pour une période d'un an.

«Un gouvernement qui voudrait stigmatiser des adversaires, ou encore faire des profilages raciaux à l'égard de certaines personnes [...], cette marque-là les suivrait toute leur vie et leur causerait un tort considérable», a mis en garde cet ancien ministre de la Sécurité publique du Québec.

Du côté du NPD, le député Joe Comartin a plutôt critiqué l'obligation de témoigner. «Nous abandonnons notre droit de longue date, a-t-il dit. Cela remonte à des centaines d'années, à l'Angleterre.»

«Et les mesures de détention préventive, même si le gouvernement dit que ce n'est pas cela, ça l'est, et elles ne sont tout simplement pas nécessaires», a-t-il ajouté.