Trois jours après avoir vu voler en éclats la coalition qu'il appuyait, Gilles Duceppe a accusé hier le chef libéral, Michael Ignatieff, d'avoir laissé tombé les Québécois. Devant 300 militants rassemblés en conseil général à Saint-Hyacinthe, le chef du Bloc a promis de ramener la souveraineté au coeur du débat politique québécois.

Après avoir passé les derniers mois à critiquer le premier ministre Stephen Harper, Gilles Duceppe a braqué ses canons sur le nouveau chef du PLC. Il l'accuse d'avoir largué une coalition favorable aux intérêts du Québec pour pactiser avec les conservateurs.«Il n'a même pas eu le temps de faire des promesses d'ouverture qu'il a déjà laissé tomber le Québec à la première occasion», a-t-il déploré.

Le budget fédéral ne fait rien pour relancer l'économie du Québec, déplore M. Duceppe, car il ne contient aucune mesure destinée à bonifier le programme d'assurance emploi et il n'aide que faiblement l'industrie forestière.

Le leader bloquiste souligne aussi qu'Ottawa a «traficoté» la formule de la péréquation, ce qui privera le Québec d'un milliard de dollars en transferts fédéraux. Il critique aussi le projet des conservateurs de créer une commission nationale des valeurs mobilières, à quoi s'oppose aussi le gouvernement Charest.

Gilles Duceppe renvoie dos à dos ses adversaires fédéralistes et présente son parti comme le seul à pouvoir défendre les intérêts du Québec.

«Que le gouvernement soit formé des conservateurs ou des libéraux et qu'il soit dirigé par Ignatieff ou Harper n'y changera rien, a-t-il tonné. Une nation a toujours la politique de ses intérêts et c'est ce qui se passe au Canada, peu importe les partis, peu importe les chefs: c'est le Canada d'abord et tant pis pour le Québec.»

Cette sortie contre Michael Ignatieff survient quelques jours après qu'un sondage CROP-La Presse eut montré une embellie pour les libéraux fédéraux au Québec. Le Bloc domine toujours dans les intentions de vote avec 34%, mais le PLC jouit maintenant de 31% de la faveur populaire. Pendant ce temps, les conservateurs de Stephen Harper sont en chute libre avec un score de 16%.

Gilles Duceppe affirme qu'il faudra «faire porter l'analyse sur plusieurs mois» avant de déterminer si M. Ignatieff peut s'imposer comme un candidat crédible aux yeux des Québécois. Tant Stéphane Dion que Paul Martin ont vu leur popularité grimper en flèche lors de leur arrivée à la tête du PLC, souligne-t-il. Et tous deux ont subi des défaites cuisantes aux élections.

Appui massif

Gilles Duceppe est bien en selle pour diriger le Bloc aux prochaines élections. Il a été massivement plébiscité par ses troupes au terme de la réunion: 94,8% des militants lui ont accordé leur confiance.

M. Duceppe a mené son parti à une récolte de 49 sièges aux élections fédérales du 14 octobre dernier. Ce résultat, combiné à la performance de 51 sièges du Parti québécois aux élections provinciales, permet de ramener la souveraineté à l'ordre du jour, dit-il.

«Je suis venu en politique pour que le Québec devienne un pays», a-t-il indiqué. Estimant que l'option «est en meilleure position qu'elle l'a été depuis des années», le chef du Bloc a fait écho aux propositions avancées cette semaine par la leader péquiste, Pauline Marois. Celle-ci souhaite multiplier les débats, groupes de travail, visites de cégeps et d'universités pour promouvoir l'indépendance du Québec.

M. Duceppe espère que ces efforts de promotion porteront leurs fruits d'ici quatre ou cinq ans, lorsque les Québécois retourneront aux urnes.