Le gouvernement conservateur de Stephen Harper a annoncé hier des mesures sans précédent destinées à injecter quelque 40 milliards de capitaux frais cette année et l'année prochaine dans l'économie canadienne afin, a affirmé le ministre des Finances Jim Flaherty, de permettre au pays d'émerger plus prospère de la récession mondiale actuelle.

Cet effort de relance, baptisé Plan d'action économique du Canada, équivaut à 1,9% de l'ensemble de l'économie canadienne.

Au prix d'un premier déficit substantiel de 33,7 milliards de dollars (2009-2010) - un scénario qui se répétera en décroissance jusqu'en 2012-2013 -, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a ratissé on ne peut plus large au chapitre des nouvelles dépenses non seulement pour stimuler et relancer l'économie mais également pour tenter de se sortir de la crise politique qui secoue son gouvernement depuis décembre dernier.

Lors de l'énoncé économique de fin d'année, les partis de l'opposition avaient condamné avec force l'absence de mesures gouvernementales pour pallier la crise financière naissante. Le Parti libéral, le NPD, soutenus par le Bloc québécois, avaient même mis sur pied une coalition déterminée à renverser le gouvernement. La prorogation du Parlement avait sauvé in extremis le gouvernement Harper.

Ainsi, il n'est pas étonnant que cette nouvelle mouture de l'énoncé économique, transformée en budget de crise et contraire dans sa substance au dogme conservateur de non-intervention dans l'économie, ait été qualifiée par plusieurs hier de «budget à saveur libérale».

On voit mal en effet comment le chef libéral, Michael Ignatieff, pourra demander à son aile parlementaire de voter contre un budget dont il a lui-même suggéré de grands pans. Le nouveau leader du PLC fera connaître aujourd'hui sa réaction au plan gouvernemental. «Il y a des aspects positifs du budget, je crois, qui sont le résultat de la pression et de l'unité des partis d'opposition. Mais il y a aussi des côtés négatifs», a commenté M. Ignatieff.

Quant au Bloc québécois, son chef Gilles Duceppe a déjà annoncé qu'il voterait contre ce budget. «C'est un budget qui de façon évidente, claire, nette, précise, va à l'encontre de la motion unanime de l'Assemblée nationale.» Même rejet du côté du NPD. «Ça ne crée pas les emplois pour le futur de notre économie, alors ça ne nous donne aucune confiance dans un gouvernement Harper», a commenté Jack Layton.

«Ce déficit temporaire, a affirmé hier le ministre des Finances Jim Flaherty, est un investissement qui s'impose pour stimuler notre économie.»

En lançant des bouées de sauvetage aux travailleurs, aux chômeurs, au secteurs économiques en crise comme ceux de l'automobile, de l'agriculture ou de la foresterie, pour ne nommer que ceux-là, en baissant les impôts des familles et des entreprises, en faisant pleuvoir les dollars du côté des infrastructures, en soutenant l'emploi, en garantissant l'accès des entreprises au financement, en tentant en somme de susciter un consensus avec les partis de l'opposition, Stephen Harper a lancé également une bouée de sauvetage - du moins l'espérait-il - à son gouvernement minoritaire chambranlant.

Les maigres revenus projetés de l'État, surtout pour les exercices 2009-2010 et 2010-2011, ont sérieusement compliqué les plans du ministre Flaherty. Par exemple, en 2009-2010, ces revenus seront de 224,9 milliards alors que les dépenses s'élèveront à 258,6 milliards, soit un déficit de 33,7 milliards. De ce déficit, 15,7 milliards sont comptabilisés pour le manque à gagner de l'État nécessaire à l'équilibre budgétaire avant les diverses mesures de relance annoncées qui, elles, totalisent 18 milliards de dollars.

D'ici 2012-2013, avec les déficits annoncés, la dette nationale augmentera de 85 milliards de dollars, même si le ratio au PIB de cette dette ne progressera que de 0,9% au cours de la même période. Il faudra attendre l'année financière 2013-2014 pour renouer avec les excédents budgétaires (700 millions).

Comme l'avait promis le premier ministre Harper, les baisses d'impôts pour les familles et les entreprises font partie du budget même si les économistes ne sont pas convaincus de leur pertinence, en temps de crise, pour stimuler les dépenses de consommation. Ces baisses totalisent 20 milliards de dollars pour 2008-2009 et les cinq années financières suivantes dont près de 3 milliards pour l'exercice 2009-2010.

Outre diverses mesures pour améliorer l'accès au financement des entreprises et des ménages, le gouvernement a procédé à des modifications de l'assurance emploi et à de nouveaux investissements dans ce domaine de 8,3 milliards. Une des mesures les plus spectaculaires annoncées est la prolongation de cinq semaines pendant deux ans des prestations. Soulignons aussi le gel des taux de cotisation à 1,73 $ par tranche de 100 $ pour 2009 et 2010. Ottawa élargit également l'accès à la formation de la main-d'oeuvre avec une contribution d'un milliard de plus sur deux ans.

«Au cours des prochains mois, a lancé hier Jim Flaherty, nous amorcerons la construction de routes, de ponts, de réseaux de transports en commun, de structures d'accès à internet large bande, d'écoles et de logements sociaux dans toutes les régions du pays.»

À ce seul chapitre des infrastructures, le ministre des Finances a annoncé hier des investissements considérables, soit près de 12 milliards de dollars sur deux ans. Le budget fédéral précise d'ailleurs que le gouvernement retranchera 12 mois aux délais d'approbation des futurs projets, question de contrer les récentes critiques reçues à cet égard.

La construction domiciliaire n'est pas en reste non plus dans ce plan de relance puisqu'elle sera encouragée par des investissements de l'ordre de 7,8 milliards dont un crédit d'impôt pour la rénovation résidentielle qui permettre à 4,6 millions de familles canadiennes de recevoir jusqu'à 1350 $ chacune.

Enfin, diverses mesures pour soutenir les entreprises permettront à des secteurs de l'économie, dont le secteur forestier, ceux de la culture, de l'agriculture, de l'automobile, du tourisme ou des mines, de préparer la reprise économique.

Le gouvernement conservateur estime que son plan entraînera la création de 189 000 emplois qui s'ajouteront aux 80 000 déjà créés depuis l'Énoncé économique d'octobre 2007.

Le ministre Flaherty a conclu son discours aux Communes hier en invitant ses collègues à appuyer «sans réserve» son budget «pour le bien du pays».

Par ailleurs, le gouvernement Harper n a pas modifié la formule de calcul des versements de la péréquation aux provinces, comme l'ont demandé le gouvernement du Québec et le Bloc québécois.