Le gouvernement Harper a profité de son discours du Trône hier pour faire un rare mea-culpa sur sa gestion des affaires de l'État des derniers mois et lancer un appel à la collaboration et à la solidarité en ces temps d'incertitude économique.

Ce discours du Trône, dans lequel le gouvernement conservateur promet «de dépenser ce qu'il faut» pour relancer l'économie canadienne au cours des prochains mois, quitte à enregistrer des déficits imposants, visait à convaincre au moins les libéraux de Michael Ignatieff de travailler avec les troupes de Stephen Harper pour affronter la tempête économique qui frappe le pays.

Le gouvernement Harper a besoin de l'appui d'un des trois partis de l'opposition pour survivre au vote de confiance à venir sur le discours du Trône et le budget.

Le ton conciliant et la brièveté de ce discours, rendu nécessaire à la suite de la décision du premier ministre Stephen Harper, au début de décembre, de suspendre les travaux du Parlement pour éviter un vote de censure qui aurait entraîné la chute de son gouvernement minoritaire, tranchaient avec celui qui a été lu par la gouverneure générale Michaëlle Jean il y a à peine deux mois.

Cherchant à asseoir à nouveau son pouvoir à Ottawa après la crise parlementaire d'il y a sept semaines, le gouvernement Harper s'est donc engagé à faire de l'économie sa priorité absolue en ce jour de rentrée parlementaire.

«En ces temps incertains où le monde entier est menacé par une économie qui vacille, il devient urgent de travailler ensemble, d'unir nos efforts et d'en appeler à une plus grande solidarité. Dans le respect de notre tradition démocratique, les Canadiens et les Canadiennes s'attendent à ce que leurs représentants élus se concertent pour que le Canada sorte plus fort de cette grave crise économique», affirme-t-on d'emblée dans le discours du Trône de quatre pages seulement.

De toute évidence, les conservateurs veulent tourner la page sur la crise parlementaire de la dernière session, provoquée par un énoncé économique du ministre des Finances Jim Flaherty jugé trop timide par les trois partis de l'opposition. En outre, le ministre proposait dans cet énoncé d'abolir les subventions accordées aux partis politiques, une mesure qui aurait asphyxié le Parti libéral, le NPD et le Bloc québécois. Ces derniers ont réagi en signant un accord proposant un gouvernement de coalition pour remplacer le gouvernement Harper à la première occasion.

Signe de son repentir, le gouvernement Harper a même emprunté quelques phrases utilisées à plusieurs reprises par le chef libéral Michael Ignatieff au cours des derniers jours en s'engageant notamment à prendre des mesures pour «protéger les citoyens vulnérables», pour protéger «les emplois d'aujourd'hui» et «pour créer ceux de demain».

En outre, les conservateurs promettent de mettre en oeuvre les idées des autres partis, des provinces, des entreprises et des syndicats si elles peuvent contribuer à la relance de l'économie.

«Le programme du gouvernement et les priorités du Parlement doivent être adaptés à une crise qui empire. (...) Notre gouvernement a cherché à dialoguer dans un esprit d'ouverture et de collaboration non partisane. En temps de crise collective, personne n'a le monopole des bonnes idées. Si bonnes idées il y a, il ne convient pas de s'en attribuer le mérite, mais seulement d'être satisfait de trouver des solutions profitables à l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens», peut-on lire dans le document.

Si le discours du Trône sert à présenter les intentions générales d'un gouvernement au début d'une nouvelle session parlementaire, il visait surtout hier à préparer le dépôt du budget du ministre Jim Flaherty aux Communes cet après-midi.

Plusieurs mesures de ce budget ont déjà fait l'objet de fuite calculée de la part des stratèges conservateurs. Ce budget doit annoncer un déficit de 34 milliards de dollars en 2009-2010 et de 30 milliards durant l'exercice financier suivant.

Dans son discours du Trône, le gouvernement Harper affirme que le budget permettra de:

> stimuler l'économie en adoptant des mesures pour favoriser les dépenses privées, notamment en réduisant les baisses d'impôts;

> financer dans les plus brefs délais de nouveaux projets d'infrastructures;

> préserver la stabilité du système financier;

> donner aux entreprises et aux consommateurs l'accès au crédit;

> appuyer les industries en difficulté - notamment dans les secteurs forestiers et manufacturiers, de l'automobile, du tourisme et de l'agriculture;

> protéger les plus vulnérables de la société, notamment les chômeurs, les travailleurs à faible revenu, les aînés et les autochtones qui sont touchés par la crise mondiale.

«Les Canadiennes et les Canadiens ont devant eux une année difficile - voire peut-être plusieurs années difficiles. Face à cette incertitude, notre gouvernement a élaboré un plan clair et ciblé. Notre gouvernement dépensera ce qu'il faut pour relancer l'économie et fera les investissements nécessaires pour préserver notre prospérité», affirme-t-on dans le discours du Trône.

Le Bloc québécois et le NPD n'ont pas tardé à critiquer ce discours tandis que le Parti libéral attend de voir le budget avant de décider s'il doit mettre fin au règne des conservateurs.

14 octobre

Élections fédérales. Les conservateurs sont élus minoritaires.

19 novembre

Discours du Trône. Stephen Harper ouvre la porte à un déficit.

27 novembre

Énoncé économique. Tous les partis de l'opposition annoncent qu'ils voteront contre l'énoncé. Début de la crise politique à Ottawa.

1er décembre

Création d'une coalition entre le Parti libéral et le NPD, appuyée par le Bloc québécois. Les trois partis veulent remplacer le gouvernement.

3 décembre

Les chefs des partis formant la coalition s'adressent à la nation. Les libéraux remettent en retard un enregistrement de mauvaise qualité de Stéphane Dion.

4 décembre

Les ardeurs de la coalition sont refroidies lorsque la gouverneure générale accepte de proroger le Parlement jusqu'au 26 janvier, à la demande du premier ministre Harper.

8 décembre

Stéphane Dion annonce qu'il démissionnera de son poste de chef intérimaire du Parti libéral aussitôt son successeur désigné.

10 décembre

Michael Ignatieff est désigné comme successeur à Stéphane Dion après le retrait de ses deux adversaires

dans la course à la direction.

26 janvier 2009

Nouveau discours du Trône, rendu nécessaire par la prorogation du 4 décembre.

27 janvier 2009

Le ministre des Finances présentera son budget fédéral très attendu.