Signe de la fragilité de la coalition ou joute verbale sans conséquence? Les chefs du Bloc québécois et du Parti libéral se sont livrés à une guerre de mots hier par journalistes interposés sur la délicate question de la loi anti-briseurs de grève.

En matinée, lors d'une conférence de presse à Montréal avec les responsables de la FTQ, Michael Ignatieff a déclaré que cette loi présentée en 2007 par le Bloc québécois n'était «pas à la hauteur de la complexité de la situation» et n'était pas «bien bouclée».

 

Quelques heures plus tard, piqué au vif, Gilles Duceppe a répliqué que les libéraux avaient appuyé cette loi jusqu'à minuit moins cinq. «Ils étaient solidaires jusqu'en deuxième lecture, ils ont reçu des appels du patronat, de Bay Street et ils ont changé d'idée. Ils se sont rangés du côté des conservateurs comme ils l'ont fait 42 autres fois en cours de route lors du dernier Parlement. M. Ignatieff devrait vérifier tout ça.»

Les libéraux insistaient notamment sur le fait que le droit de grève ne devait pas entamer les profits des entreprises, une aberration, selon le chef du Bloc. «Ils appelaient ça la sécurité des compagnies. Écoutez, il y a un problème. S'il y a une grève, c'est un moyen de pression comme un lock-out. Inévitablement, ça touche aux salaires des uns et aux profits des autres.»

Battue en Chambre en mars 2007, cette loi présentée par le Bloc québécois devait essentiellement interdire le recours aux briseurs de grève dans les entreprises sous la juridiction du Code canadien du travail - les banques, les aéroports et les entreprises de télécommunications, notamment. Le Bloc avait obtenu l'appui du NPD mais pas celui des libéraux, de sorte que la loi avait été battue par 122 voix contre 177.

En présence des responsables de la FTQ, M. Ignatieff a assuré qu'il était contre le recours aux briseurs de grève. «Je comprends l'angoisse, la colère des travailleurs envers les scabs. Mais le diable est dans les détails.» Gilles Duceppe a rétorqué que tous les détails du projet de loi bloquiste étaient déjà dans la loi québécoise, «qui fonctionne assez bien et qui a assaini les relations de travail».